L'onction de Béthanie : Différence entre versions

De Salve Regina

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== Plaidoyer de Jésus pour Madeleine ==
 
== Plaidoyer de Jésus pour Madeleine ==

Version du 24 mars 2011 à 09:49

Plaidoyer de Jésus pour Madeleine

I. Un premier étonnement nous saisit : les disciples sont repris parce qu'ils s'indignent de voir un parfum précieux répandu pour oindre les pieds d'un prédicateur miséreux, professant une si grande sainteté.

Leur indignation semble cependant raisonnable. On ne faisait pas, sans doute, un usage courant de telles onctions, réservées, semble‑t‑il, aux raffinements des grands et des nobles. Il n'y avait là personne dont la distinction justifiât l'usage d'un si riche parfum pour sa tête, encore moins pour ses pieds. Or le Christ, fils d'artisan et artisan lui‑même, était de basse condition selon le monde. Et voilà qu'on oignait ses pieds d'un parfum délicat ! Nous serions aujourd'hui scandalisés si d'aventure nous rencontrions un prédicateur de sainte renommée qui permît pour le soin de sa personne l'usage d'essence si précieuses. Nous trouverions la chose fort inconvenante.

Ajoutez que les disciples avaient reçu l'ordre de rechercher les meilleurs charismes[1]. Ne devaient‑ils pas détourner Marie-­Madeleine de répandre son parfum, en vue d'une œuvre meilleure : le vendre, et secourir les pauvres avec cet argent ?


II. Un second objet d'étonnement : l'excuse que donne le Seigneur : quelle en est la valeur ? « Elle a accompli une bonne oeuvre envers moi. Car vous aurez toujours des pauvres parmi vous ; mais moi, vous ne m'aurez pas toujours. » De ce fait que nous possédions alors et les pauvres et Jésus ; qu'eux, nous les aurons toujours ; et Lui, point, je ne vois pas qu'on puisse inférer que Madeleine eût raison : l'onction reste excessive, d'un usage trop raffiné ; elle a empêché un bien supérieur : cette aumône considérable envers les pauvres qui méritent une sollicitude d'autant plus grande qu'ils ne manquent jamais et demeurent, toujours.


III. Les trois paroles qu'ajoute Jésus accroissent encore notre surprise. On ne voit pas en quoi elles excusent l'onction de Madeleine. Jésus ajouta, en effet, que Marie devançait sa sépulture ; que le souvenir de cette onction demeurerait perpétuellement à sa louange; qu'elle avait fait ce qu'elle avait pu. Or, rien de tout cela ne justifie l'onction faite par la pécheresse.

D'abord, au moment de l'onction, la sépulture et les soins quelle exige n'étaient pas dans les vues de Madeleine. Or, l'intention fait le mérite d'une œuvre, et Madeleine n'entendait pas prévenir la sépulture de Jésus : elle voulait seulement oindre le Christ en vie.

Même en vue de la sépulture, une onction si raffinée eût été excessive : Nicodème, en effet, ne devait apporter pour l'ensevelissement du Christ qu'un mélange, de myrrhe et d'aloës, et non un nard précieux.

Ajoutez que, la gloire que devait en retirer Madeleine suivit l'événement, niais n'était pas prévue[2].

Enfin, le troisième argument ne paraît avoir aucun rapport avec la question. Personne ne reprochait à Marie d'avoir recouru pour cette onction aux ressources d'autrui, ou d'y avoir employé un bien nécessaire à sa vie : deux insinuations qu'on écarte en disant qu'elle a fait ce qu'elle, a pu pour bien agir.

Les dispositions de Marie-Madeleine

Pour saisir plus clairement les paroles du Seigneur, notons les dispositions d'âme de la femme qui oint Jésus : nous verrons mieux ainsi quelle fut en cette oeuvre son intention.

Madeleine croyait, certes, que Jésus était le vrai Messie. Quand sa soeur Marthe disait au divin Maître : « Je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu », Marie le croyait mieux encore, elle qui avait choisi la meilleure part. Elle croyait aussi que Jésus peut remettre les péchés, elle qui avait entendu de sa bouche cette parole : « Tes péchés te sont remis, ta foi t'a sauvée. » Et de quel amour elle aimait le Sauveur qui a dit d'elle : « Il lui est beaucoup pardonné, parce qu'elle a beaucoup aimé »! D'aussi saintes dispositions envers le Christ, il est facile de conclure que Marie‑Madeleine a fait son onction pour remplir simultanément de nombreux devoirs d'urbanité, de reconnaissance et de religion.

Devoir d'urbanité

C'était la coutume dans ce pays de pratiquer de telles onctions. Le Seigneur reproche pour ainsi dire à Simon le Pharisien de ne lui avoir pas oint la tête. Puisqu'il avait paru de bon ton de préparer au Christ, prié à ce banquet, des mets plus somptueux, comme on fait pour les grands personnages, Marie jugea de même qu'il convenait ‑ étant donné que l'hôte se devait d'agir ainsi ‑ de consacrer un parfum précieux et délicat à l'onction d'un invité si éminent.

Devoir de reconnaissance

En souvenir du bienfait reçu ‑ de la rémission de ses péchés au moment de la première onction – Marie-­Madeleine estima si grande sa dette envers Jésus que de lui consacrer une onction nouvelle, la plus excellente possible. Une première onction sur les pieds lui avait valu son pardon. Maintenant, c'est une onction sur la tête. Tant de fois, de la bouche du Christ, elle avait reçu la parole de pardon et de Vie !... Cette dernière, onction fut en quelque sorte une ablution, car elle versa le vase de parfum et le répandit sur la tête du Sauveur comme en témoigne l'Évangéliste, estimant qu'il ne fallait rien épargner pour rendre grâces d'un tel bienfait.

Devoir de religion

Au Messie, Fils de Dieu, Madeleine offrait cette onction comme un rafraîchissement pour ce corps qu'il avait assumé : elle la veut à juste titre excellente et précieuse au premier chef.

Voilà des raisons évidentes. Madeleine a bien jugé ; elle a fait choix d'une oeuvre de dévotion bonne et louable : cette onction délicate et somptueuse est ‑ vraiment un pieux service envers Notre‑Seigneur. Et c'est fort bien qu'on réprimande les disciples qui s'indignent de son geste et la molestent en s'écriant : « A quoi bon ce gaspillage? » Ce n'est pas gaspiller que d'user ainsi d'un parfum sous l'impulsion de telles vertus et pour un motif si opportun de reconnaissance, de piété et de religion.

Les apôtres

Passons maintenant aux raisons invoquées en faveur des Apôtres.

On avance d'abord « que cette onction était trop raffinée et trop précieuse ‑ surtout l'onction des pieds ‑ à l'égard d'un pauvre tel que Jésus ». Parler ainsi, c'est oublier que Jésus est le vrai Messie et qu'on le croyait tel ; qu'il était donc d'une dignité supérieure à celle de tous les hommes. Pour oindre sa personne et ses pieds adorables, nul parfum n'était excessif. Tout ce qu'on peut offrir au plus éminent des hommes est à peine digne de servir au Messie. Sans omettre d'ailleurs la raison spirituelle d'oindre ses pieds, que nous avons déjà dite.

Le même argument répond à ce qu'on ajoute pour expliquer l'attitude scandalisée des disciples, S'il nous était donné de voir le vrai Messie d'assister à tant de miracles, de nous trouver en présence de Lazare qui attestait, en revenant du séjour des morts, que Jésus est le vrai Messie, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs ‑ (beaucoup de Juifs croyaient au Christ à cause de Lazare) ‑ loin d'être scandalisés nous serions justement ravis d'admiration et dans la stupeur que Jésus daignât s'anéantir au point de souffrir nos onctions, l'onction d'une femme, et de condescendre à de si humbles délassements. Mais sans aucun doute, les insensés, là encore, trouveraient avec Judas occasion de scandale !

Que dire de la raison tirée de la recherche d'un plus grand bien ? « Il eût mieux valu consacrer aux pauvres le prix du parfum. » La déclaration même de Jésus y répond, comme on verra. Mais tout ce que nous venons de dire y satisfait également : une œuvre si éminente de gratitude, de piété et de religion n'est pas inférieure à l'aumône qu'on eût pu faire aux pauvres. Que dis‑je ? Elle fut d'autant meilleure que le Christ l'emporte sur tous les pauvres, la tête sur les membres, le maître sur les serviteurs. Les disciples méritaient donc d'être repris.

Un autre étonnement vient du motif allégué par Jésus : que l'onction ne devait pas être omise même en raison d'une aumône à faire aux pauvres. On répond que les disciples, non contents de prôner l'aumône, avaient blâmé l'onction : « A quoi bon ce gaspillage? » s'étaient‑ils écriés. Le Seigneur leur oppose une double réfutation. Pour répondre à la question : « A quoi bon ce gaspillage ? » il déclare d'abord que Marie‑Madeleine a fait une bonne œuvre. Il ajoute que, même en considérant l'aumône qu'eût permise le prix du parfum, il n'y avait pas lieu d'omettre l'onction, parce qu'ils auraient toujours des pauvres parmi eux. Que cette œuvre fût bonne, la réponse de Jésus le prouve donc de tous points.

Relevons d'abord la préposition « in », quand Jésus dit : « envers moi ». Rappelons ici qu'autre chose est croire Dieu et autre chose croire en Dieu. Croire Dieu est commun aux bons et aux méchants; croire en Dieu n'appartient qu'aux bons, car c'est là un acte de foi « formée »[3]. Et pareillement, les bons et les méchants peuvent tous accomplir de bonnes œuvres ; mais accomplir une bonne œuvre envers le Christ est réservé aux bons, car ce mot signifie qu'on tend par cet acte vers le Christ, ce qui se fait par un progrès de la charité. Quand Jésus déclare donc que Marie‑Madeleine vient d'accomplir une bonne œuvre envers lui (in me), il montre que cette œuvre est méritoire, accomplie par charité.

On voit aussi la réponse à la difficulté que soulève la comparaison de l'onction avec l'aumône : tout est clair. Mais en y regardant de plus près, on découvre des choses plus intimes qui ne s'offraient pas à première vue à l'esprit.

D'abord, une double différence entre l’aumône, et le devoir d'urbanité accompli envers le Sauveur. L'argument qu'il en tire nous montre qu'il ne fallait pas omettre, l'onction pour l'aumône.

En effet, il faut distinguer entre le temps qui presse et le temps qui permet de surseoir. Le temps de faire l’aumône n'a rien alors d'urgent, il peut être différé[4], il subsiste toujours. Le temps de rendre au Sauveur ce devoir d'urbanité presse au contraire, « car, explique‑t‑il, vous ne me posséderez pas toujours, vous ne jouirez pas toujours de la présence de mon corps en cette chair passible où je vis présentement avec vous. Non seulement vous ne me posséderez pas toujours, mais désormais vous ne me posséderez que très peu de temps ». Ceci se passait effectivement six jours avant la Pâque, le samedi avant les Rameaux.

De plus, il est une autre différence, entre une personne déterminée et des pauvres indéterminés. En d'autres termes, ce devoir était dû à une personne déterminée, à moi, tandis que l'aumône était due aux pauvres en général et non précisément à tel pauvre. La réponse du Seigneur souligne, manifestement cette double différence, quand il dit : « Les pauvres ‑ non celui‑ci ou celui‑là vous les aurez toujours avec vous, et il n'y a pas en ce moment de cas de nécessité ; mais moi (voici la personne déterminée) vous ne m'aurez pas toujours. » Comme s'il disait : « C'est le seul moment où vous m'avez vivant avec vous dans une chair passible à laquelle, vous pouvez rendre de tels soins. »

Cette double différence fonde et éclaire à la fois la doctrine reçue de tous : qu'on ne doit pas omettre une œuvre de charité corporelle que réclame une personne déterminée, pour des obligations communes, dues au prochain en général. Le divin Maître n'entend pas qu'on néglige, pour distribuer des aumônes, un repas de noces, un devoir de sépulture, une rencontre politique avec un citoyen ou quelque, autre, obligation de même ordre. Lui, l'auteur de la grâce, n'est pas venu détruire, mais parachever ce qui, dans la nature, est selon l'ordre de la raison.

On voit donc en pleine lumière le motif précis d'agir de la sorte. Le temps passait où cet Hôte si grand et si parfait pouvait recevoir un tel hommage : les pauvres, de ce fait, ne devaient venir qu'après lui ; leur cause n'était pas à cette heure si pressante : on pouvait leur faire du bien autrement, en un autre temps et ailleurs. Voilà marquée par le Seigneur la vraie raison qui rendait cette oeuvre bonne, et devait la faire à l'aumône qu'on eût pu tirer pour les pauvres de ce parfum.

Mais allons plus à fond. A cause de la personne désignée par le pronom « moi », le motif de l'onction accomplie par Madeleine prenait une valeur inouïe : mieux qu'une œuvre moralement bonne, c'était une œuvre excellente. Qu'on pense au temps où le Verbe fait chair daigne vivre ici‑bas ‑ homme passible parmi les hommes, sujet aux nécessités humaines, objet aussi d'attentions humaines. Quelle pressante obligation de lui rendre, tous les services, tous les soins possibles, sans s'arrêter au prix ou au raffinement, si l'on en juge et par son mérite et par la dette des hommes envers lui ! Il n'y a donc aucune apparence de raison pour mésestimer cette onction ; elle devait, pour tous ces motifs, passer avant le soin des pauvres. Ce soin, certes, doit toujours éveiller notre sollicitude, mais sans jamais nous détourner d'un devoir obligatoire, encore moins nous faire supprimer une œuvre incomparablement meilleure.

Un troisième sujet d'étonnement venait des trois déclarations du Seigneur touchant la sépulture. Voici ma réponse.

D'après les paroles mêmes du Christ, l'onction de Marie‑Madeleine avait un triple rapport avec la sépulture, en tant que signe, que prévenance et par sa durée. Cette onction signifiait d'abord que le Christ serait enseveli. Voici le témoignage du Maître en saint Matthieu (XXVI, 13) : « En répandant ce parfum sur mon corps, cette femme m'a préparé à l'ensevelissement »; comme s'il disait : « elle a montré que j'étais prêt pour la sépulture », car à cette époque les corps que l'on devait ensevelir étaient embaumés.

Cette onction prévenait également le devoir d'embaumer ce corps en vue de la sépulture, comme en témoigne le Maître en saint Marc (XIV, 8) : « Elle a d'avance embaumé mon corps pour la sépulture. » En effet, quoique Marie‑Madeleine l'ignorât, le Seigneur savait qu'elle ne pourrait point embaumer son corps mort : Jésus devait ressusciter avant qu'elle ait pu l'oindre. Il déclare donc qu'elle a devancé ce suprême devoir.

Enfin cette onction dura pour ainsi dire jusqu'à la sépulture. Le Seigneur dit en saint Jean (XII, 7) : « Laissez‑la garder ce parfum en vue du jour de ma sépulture. » Cette onction fut la dernière que Marie accomplit : du fait qu'elle ne fut suivie d'aucune autre, elle dura jusqu'au jour de, la sépulture. C'est comme si Jésus disait ouvertement : « Laissez‑la, parce que cette onction doit compter pour toute ma vie jusqu'au sépulcre; elle ne me rendra plus jamais, vivant ou mort, un tel soin. »

Où tend tout ce discours, où Jésus rapporte à sa sépulture le geste de Marie ? Le Maître très clément l'a prononcé pour faire comprendre aux disciples ‑ non pourquoi Madeleine l'embaumait ‑ mais pourquoi Lui, le Seigneur, il agréait cette onction. Madeleine voulait rendre au Christ un devoir de piété humaine, de reconnaissance et de religion ; mais le Christ l'agréait parce qu'Il allait être enseveli. Comme s'il disait clairement : « Ne vous imaginez pas que je permets cette onction par plaisir, non, mais parce que je vais être enseveli. Je suis embaumé parce que je dois bientôt mourir. Ce n'est pas l'heure des délices, mais de la mort et de la sépulture. » Sans doute, l'intention de Marie n'était point telle dans son coeur; néanmoins, sous la motion et la direction du Saint‑Esprit, elle travaillait sans le savoir à signifier ces choses, à les prévenir et à les garder, Ces paroles n'ont plus rien d'étonnant si l'on pense que le Seigneur ne les a pas ajoutées pour défendre à nouveau Marie‑Madeleine, mais pour expliquer pourquoi il avait permis l'onction.

On peut toutefois rapporter ces paroles à la défense de Madeleine, si on les rattache, comme une explication, à la première déclaration du Maître : « Moi, vous ne m'aurez pas toujours. » Jésus semble dire qu'il entend, par ces mots « pas toujours », « un temps très court, parce que je suis sur le point d'être enseveli ». En ajoutant ces mots, il dévoile sa sépulture prochaine et ce pressentiment plein de sollicitude qui poussait en son âme Marie-Madeleine à faire cette onction. L'enseignement du Maître sur sa mort et sa résurrection était si répandu qu'il était parvenu jusqu'aux Pontifes des Juifs. Ils déclarèrent, en effet, à Pilate : « Nous nous sommes souvenus que cet imposteur a dit, de son vivant : Après trois jours, je ressusciterai. » Que la mort du Seigneur fût proche, Madeleine, comme les autres femmes, l'avait entendu dire. On en a des preuves. Jésus avait déclaré un peu avant : « Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré, et le troisième jour il ressuscitera. » Alors la mère des fils de Zébédée demanda que ses enfants fussent placés à la droite et à la gauche du Seigneur dans le royaume de sa résurrection. Or Marie aimait beaucoup Jésus ; elle pensait que l'heure, de sa mort approchait : elle craignait qu'une occasion si favorable de rendre au Christ un tel soin ne se représentât plus; elle jugea bon de s'en acquitter en ce banquet offert en l'honneur de Lazare ressuscité. Ainsi, par la sollicitude craintive qui éperonnait Madeleine, l'onction elle-même eut quelque rapport avec la sépulture du Christ : plus l'heure pressait, à son avis, d'oindre Jésus, plus elle se sentait portée à lui rendre ce devoir.

Peu importe, d'ailleurs que des parfums si précieux ne fussent pas en usage pour les sépultures ordinaires, mais la myrrhe et l'aloës. Sans aucun doute on usait, pour l'ensevelissement des rois, d'essences plus rares. Or la dignité du Messie surpassait et surpasse celle des rois et de tous les grands prêtres, et la matière la plus précieuse ne pouvait l'égaler.

Quant au souvenir impérissable de cette onction, le Seigneur ne le prédit, c'est clair, que pour glorifier l'action de Madeleine. Elle ne cherchait point sans doute ces éloges. Mais quiconque agit avec droiture, peut‑on dire, ne rejette pas l'intention d'accomplir des œuvres dignes de louanges. En faveur de l'excellence d'une œuvre il n'y a pas de meilleur témoignage que l'approbation élogieuse des héros évangéliques. Le Seigneur montra donc que cette onction était non seulement irréprochable et préférable au soin des pauvres, mais encore excellente, digne d'une immortelle louange et que, dans l'Église de Dieu, elle serait à jamais glorifiée.

Que veulent dire les paroles que saint Marc a seul recueillies : « Ce qu'elle pouvait faire, elle l'a fait » ? Il n'est pas difficile de s'en rendre compte. Elles visent à la fois la secrète pensée de Marie et la dignité même du Sauveur. Les disciples murmuraient en songeant à la grande valeur du parfum. Le Seigneur leur répond : « Dans l'esprit de cette femme, ce parfum n'avait pas le prix que vous lui attribuez. En eût‑elle possédé de plus précieux, qu'elle l'eût également répandu, tant elle fait cas de ma personne ! Mais n'en possédant pas de plus précieux, elle a fait tout ce qu'elle a pu. » Comme s'il déclarait ouvertement : « Vous pensez qu'il faut blâmer cette femme pour son geste excessif selon vous, et cependant, eu égard à ma vraie dignité, à la foi si droite et à la dévotion de cette femme, il faut plutôt l'excuser de n'avoir pas fait davantage. Tout ce qu'elle pouvait faire, elle l'a fait. »

Telle est donc la parole du Seigneur. Avec quel à‑propos et quelle opportunité Jésus blâme les disciples et loue l'action de Madeleine !

Notes et références

  1. C’est à dire la charité (N.d. Salve Regina)
  2. Cette pure conséquence, qui n’est pas en vue, ne peut intervenir pour justifier l’action ou influer sur son mérite. (N.d. Salve Regina.)
  3. Un acte de foi achevé, perfectionné par l’amour, lequel donne à la foi non seulement d’adhérer intellectuellement à la vérité divine révélée, mais d’aimer le Dieu de vérité et de tendre vers Lui comme vers notre fin. (N.d. Salve Regina)
  4. Le temps de l’aumône peut être différé, hors le cas d’un besoin extrême qui s’offre à nous. Mais tel n’était pas le cas pour les Apôtres.
Textes de méditation
Auteur : Cardinal Cajetan

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
Remarque particulière : Traduction du R. P. Souillard, O.P.
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