Comment faire oraison : Différence entre versions

De Salve Regina

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Version du 22 février 2011 à 11:26


(texte repris avec l'aimable autorisation de l'abbaye Sainte Madeleine)

Qu’est-ce que l’oraison ?

Qu’est-ce donc que l’oraison ? Disons d’abord qu’elle ne doit pas être confondue avec la méditation, laquelle est une activité de l’esprit préparatoire – mais pas indispensable – de l’oraison. Voici comment Thérèse d’Avila la définit : « L’oraison est un échange d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec Dieu dont on sait qu’il nous aime. » Tout est dit dans cette phrase lapidaire. On remarque que tous ceux qui ont voulu traiter de l’oraison sont tributaires de la grande sainte Thérèse. En particulier pour les trois derniers mots, qui sont essentiels.

Saint François de Sales : « Notre-Seigneur aime d’un amour extrêmement tendre tous ceux qui sont si heureux de s’abandonner totalement à son soin paternel… » « Mon esprit, pourquoi voulez-vous toujours vous empresser comme Marthe au lieu de vous tenir en repos comme Madeleine ? »

Le Curé d’Ars : « La prière n’est autre chose qu’une union avec Dieu. Quand on a le cœur pur et uni à Dieu, on sent en soi un baume, une douceur qui enivre, une lumière qui éblouit. Dans cette union intime, Dieu et l’âme sont comme deux morceaux de cire fondus ensemble ; on ne peut plus les séparer. C’est une chose bien belle que cette union de Dieu avec sa petite créature. C’est un bonheur qu’on ne peut comprendre. »

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : « Pour moi, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie ; enfin c’est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus. »

Et le Père Charles de Foucauld, plus laconique que tous : « Prier, c’est penser à Jésus en l’aimant. »

Mais c’est évidemment Notre-Seigneur dans l’Evangile qui nous donne toute la lumière : « Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme la porte sur toi, et prie ton Père dans le secret, et ton Père qui te voit dans le secret t’exaucera. » (Mt 6, 6).

Pourquoi faire oraison ?

Parce que, au milieu de cette vie bruyante et agitée du monde actuel, l’habitude de la prière personnelle, ou de la lecture lente, méditée, comportant un examen sur soi-même et une résolution pratique pour la vie, est indispensable. Elle est le seul remède capable de replacer notre âme dans son axe surnaturel, de la délivrer des fumées de l’illusion et du faux-clinquant de l’amour-propre. Elle est le meilleur des remèdes à l’angoisse qui nous guette au détour des chemins.

D’autre part, les âmes éprises de perfection ne pourront jamais dépasser un certain stade sans l’oraison. Sainte Thérèse d’Avila nous avertit : « Si quelqu’un vous indique une autre voie que l’oraison pour arriver à l’union à Dieu, il vous trompe.. » (Vie par elle-même)

Dom Romain Banquet : « Dieu attend l’oraison comme le rendez-vous le plus intime de notre âme avec lui ; il nous attend dans l’oraison. Il demande de nous l’oraison, il en a besoin. Et nous le tenons en échec lorsque nous ne la lui donnons pas, cette oraison qu’il a le droit de nous demander et que nous avons besoin, nous aussi, de faire avec soin et assiduité… Quand on se prive de l’oraison, du même coup on se prive de la vie intérieure. »

Ces lignes à elles seules suffisent à montrer l’importance de l’oraison quotidienne. Si donc vous voulez entrer dans l’intimité de Dieu, écouter ce qu’il veut vous dire au fond du cœur et vivre en sa présence au cours de vos journées, vous savez ce qu’il vous reste à faire !


Comment faire oraison ?

Le Père de Foucauld, déjà ermite à Tamanrasset, se mettait à genoux avant l’aube et ouvrait son Evangile en disant : « Seigneur, qu’avez-vous à me dire ? » Puis il lisait lentement le passage marqué la veille. Il s’arrêtait, fermait son Evangile et disait : « Et moi, maintenant, Seigneur, que vous dirai-je ? » Ce doux colloque avec le Maître, c’était toute sa méthode d’oraison, fidèle en cela à la tradition simple et savoureuse des anciens moines.

La meilleure préparation, c’est de commencer par un grand acte de foi : je sais que la lumière de foi infuse, déposée dans mon âme par le sacrement du baptême, est capable de franchir la distance infinie qui sépare la créature de son créateur, et d’atteindre Dieu dans son essence, directement, sans intermédiaire. Telle est la puissance de la vertu théologale de foi. C’est donc cette puissance que je vais mettre en marche au début de l’oraison.

Cette mise en présence de Dieu doit être courte, mais faite avec ardeur et amour, cri invoquant le Saint-Esprit afin qu’il vienne nous aider. « L’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier. » (Rom 8, 2.6). C’est bien le Saint-Esprit qui est l’acteur principal dans notre oraison, il ne faut pas l’oublier ; c’est pourquoi saint Paul disait que « l’Esprit-Saint prie en nous avec des gémissements inénarrables » (ibid.)

Le recueillement

Il suffit de se recueillir paisiblement, de s’abstraire et de se dégager plutôt que de se concentrer. Il s’agit surtout de se savoir aimé et écouté par Quelqu’un d’infiniment bon, qui fera en nous plus que ne pourraient faire nos pauvres efforts. C’est le conseil que donne Bossuet : « Il faut s’accoutumer à nourrir son âme d’un simple et amoureux regard en Dieu et en Jésus-Christ, et pour cet effet la séparer doucement du raisonnement du discours et de la multitude d’affections, pour la tenir en simplicité, respect et attention et s’approcher ainsi de plus en plus en Dieu, son unique et souverain bien. » Et voici Fénelon : « Il s’agit de rentrer souvent au-dedans de soi, pour y trouver Dieu, parce que son règne est au-dedans de nous. Il s’agit de parler simplement à Dieu à toute heure, pour lui avouer nos fautes, pour lui représenter nos besoins, et pour prendre avec lui les mesures nécessaires par rapport à la correction de nos défauts. Il s’agit d’écouter Dieu dans le silence intérieur. »

Les méthodes

Lorsque cet apaisement est rendu difficile par les distractions, on peut employer les méthodes d’oraison ; les meilleures sont les plus simples. En voici quelques-unes:

  • lire lentement un texte de son choix et s’arrêter, puis reprendre doucement la lecture ;
  • se redire une prière courte ou une phrase qui nous est familière ;
  • se représenter une phase de la vie de Notre-Seigneur, le regarder vivant dans le sanctuaire de notre âme ;
  • faire des actes des vertus théologales ; s’attarder sur l’une d’entre elles ;
  • chaque lettre du mot ARDOR nous rappelle les grandes intentions de la prière : adorer, remercier, demander, offrir, réparer.

Mais le mot sur lequel s’accordent tous les maîtres spirituels qui traitent de l’oraison, c’est l’union à Dieu, douce, confiante, affectueuse.

Les fruits de l’ oraison

Les âmes d’oraison acquièrent un équilibre de vie, une paix intérieure, un dégagement des passions qu’une ascèse purement volontariste n’obtiendra jamais. Ajouter un bon sens surnaturel qui fait apercevoir toute chose sous la lumière de la foi. Bien au-dessus de la science acquise par le raisonnement, voici quels sont pour saint Bonaventure les fruits de l’oraison : « C’est la meilleure manière de connaître Dieu et d’expérimenter la douceur de son amour. C’est un mode de connaître plus excellent, plus noble et plus délectable que la recherche par voie de raisonnement. »

Laissons maintenant la parole à Dom Romain : « Si l’âme réglait tout son intérieur par l’influence de l’oraison, elle se diviniserait, elle se simplifierait, et elle deviendrait un vrai soldat du Christ. J’en connais qui argumenteraient et raisonneraient un peu moins, économisant temps et peine, et qui verraient plus clair et plus juste. »

«Une âme d’oraison devine la vérité. Elle a l’instinct de la vérité. Quoi d’étonnant ? Elle est en contact avec la vérité même. L’oraison donne le sens des vérités pratiques. L’âme la plus contemplative se trouve la plus pratique dans la vie active, et la plus agissante, la plus féconde. »

«Une âme d’oraison, c’est une âme de Dieu, elle est à Dieu, elle n’est que pour Dieu.»


Le combat de l’oraison

Un solitaire de Scété alla voir un ancien et lui demanda : « Père, qu’y a-t-il de plus difficile dans la vie monastique ? » L’ancien lui répondit : « C’est la prière. Car dès qu’un homme se met en prière, une nuée de démons s’approche de lui et tente par tous les moyens de l’en détourner. »

Ceci montre comment l’exercice de l’oraison peut parfois revêtir l’aspect douloureux de ce combat spirituel dont Raimbaud disait qu’il était aussi rude que la bataille d’hommes. Les obstacles que l’on rencontre à l’oraison nécessitent une lutte patiente, réaliste, un effort continu. On peut en dénombrer de trois sortes : les distractions, la fatigue, l’activisme.

Les distractions

Personne n’en est exempt. Il ne faut pas les chasser avec fureur, comme si elles étaient mauvaises en elles-mêmes, mais les écarter doucement en revenant sans cesse au but essentiel que l’on se propose : la vie en Dieu, la paix intérieure.

Quand elles deviennent obsessionnelles, prendre un livre et réorienter la direction de son regard. Renouveler la protestation de saint Pierre : Seigneur, vous savez bien que je vous aime !

On peut parfois « se servir » des distractions en les dirigeant vers Dieu comme on détourne le cours d’une rivière. Exemple : je m’inquiète pour ma mère ou pour un ami ; cette pensée me revient sans cesse. Eh bien, Seigneur, protégez-les, je vous les confie.

Notez qu’une prière où l’on renonce aux distractions en revenant incessamment à l’union d’amour peut être une forme d’oraison très méritoire.

Questionné sur la façon de se débarrasser des distractions, un chartreux nous répondit : « Certaines distractions restent à la surface de l’âme et ne troublent pas vraiment le silence. D’autres (et souvent cela vient d’attaches secrètes à l’objet de la distraction) s’imposent si fortement que le silence est impossible et ne profite plus. Alors il vaut mieux prendre doucement un livre qui vous aide à chasser cette distraction et à vous remettre devant Dieu. Je crois que s’il n’y a pas de distraction, on doit continuer l’oraison sans livre, à condition qu’il y ait toujours une certaine tension de l’âme vers Dieu, je ne sais comment l’exprimer, un certain désir persistant qui empêche de croire que l’on est purement indéterminé. » (Dom Ange Helly, Prieur de Montrieux)

Il y a des moments où l’exercice d’oraison semble impossible : cervelle bourrée d’images, accablement, fatigue nerveuse. On doit alors non pas renoncer à la prière, mais prier autrement, par oraisons jaculatoires (de jacula : javelot), réciter une dizaine de chapelet et se donner un moment de détente. Mais si l’on est toujours fatigué au moment de l’oraison, cela signifie qu’on a choisi une mauvaise heure pour s’y adonner. Il existe aussi une fatigue de l’âme plus dangereuse, c’est le découragement. L’unique remède alors, c’est la persévérance dans l’amour, seul capable de surmonter la tentation d’abandonner l’oraison.

L’activisme

Certains tempéraments, par une tendance irrépressible, ont du mal à se libérer de l’enchaînement des actions dans la journée. Il faut donc trancher énergiquement et se tailler coûte que coûte un certain temps régulier réservé pour l’oraison. Le meilleur moment semble être le matin, et sans doute il faut un certain courage pour commencer sa journée par du gratuit, quelque chose qui n’a aucune rentabilité. Mais c’est alors que se forge la volonté et que l’oraison devient facteur d’équilibre, capable de soutenir l’âme et de l’orienter pour tout le reste du jour.


Les fausses techniques de prière

Depuis une trentaine d’années, on voit des catholiques, y compris des prêtres et des religieux, se tourner vers les « spiritualités » de l’Orient pour apprendre les « secrets » de la prière. Oubliant ou ignorant nos grands mystiques catholiques (saint Bernard, saint Jean de la Croix, sainte Thérèse d’Avila, saint François de Sales, sainte Thérèse de Lisieux, etc.), ils croient trouver dans toutes ces techniques orientales (yoga, zen…) des méthodes d’oraison.

Consciente de la gravité de cette erreur, la Congrégation pour la doctrine de la Foi écrivit le 15 octobre 1989 à tous les évêques une lettre sur « quelques aspects de la méditation chrétienne » afin de les aider à mettre en garde leurs fidèles contre cette déformation de la prière. Dans cette lettre, le cardinal Ratzinger explique tout d’abord qu’il existe une opposition radicale entre la prière chrétienne et la méditation orientale. « La prière chrétienne est toujours déterminée par la structure de la foi chrétienne, dans laquelle resplendit la vérité même de Dieu et de la créature. C’est pourquoi elle se présente, à proprement parler, comme un dialogue personnel, intime et profond, entre l’homme et Dieu. Elle exprime donc la communion des créatures rachetées à la vie intime des Personnes trinitaires. […] Elle repousse les techniques impersonnelles ou centrées sur le moi, capables de produire des automatismes dans lesquels celui qui prie reste prisonnier d’un spiritualisme intimiste, incapable d’une libre ouverture au Dieu transcendant. »

Le cardinal Ratzinger parle ensuite des dangers inhérents à ces pratiques orientales : « Certains exercices physiques produisent automatiquement des sensations de quiétude et de détente, des sentiments gratifiants, voire même des phénomènes de lumière et de chaleur qui ressemblent à un bien-être spirituel. Les prendre pour d’authentiques consolations de l’Esprit-Saint serait une manière totalement erronée de concevoir le cheminement spirituel. Leur attribuer des significations symboliques typiques de l’expérience mystique, alors que l’attitude morale de l’intéressé ne lui correspond pas, représenterait une sorte de schizophrénie mentale, pouvant même conduire à des troubles psychiques et parfois à des aberrations morales. »

Jean-Paul II, quant à lui, commentant lors d’une homélie (1er novembre 1982) la phrase suivante de sainte Thérèse d’Avila : « L’abandon du mystère du Christ dans la méditation chrétienne est toujours une espèce de "trahison" », rappelle également que l’oraison ne consiste pas à faire un vide mental, mais au contraire à entrer dans une relation plus intime avec le Christ. « Le cri de Thérèse de Jésus en faveur d’une prière toute centrée sur le Christ est valable encore de nos jours, contre certaines méthodes d’oraison qui ne s’inspirent pas de l’Evangile et qui tendent en pratique à se passer du Christ, au profit d’un vide mental sans aucun sens dans le christianisme. Toute méthode d’oraison est valable dans la mesure où elle s’inspire du Christ et conduit au Christ, qui est la Voie, la Vérité et la Vie. » (cf. Jn 14, 6). Deux autres écueils existent dans la manière de faire oraison, l’un consistant à tomber dans une spéculation intellectuelle et l’autre, à l’inverse, à partir dans des rêves sentimentaux.


La Sainte Vierge, Reine de la vie intérieure

Lorsque l’exercice d’oraison devient habituel, il se simplifie au point d’accéder à une vie intérieure profonde, proche de la contemplation. La Très Sainte Vierge se fait depuis le début de notre vie spirituelle notre mère et notre éducatrice. Elle devient alors notre modèle et nous enseigne le recueillement : son calme, son silence intérieur. Car deux fois l’Evangile de saint Luc la dépeint en disant que devant le grand événement de l’Incarnation, « Marie gardait toutes ces choses dans son cœur. » (Lc 2, 19 et 51). Dépassant de loin les phénomènes extatiques qu’éprouvent les mystiques, la Très Sainte Vierge entrait de plus en plus profondément dans la vie intérieure ou vie contemplative. Dieu nous l’a donnée comme le modèle de la prière.

C’est surtout aux saints qui ont eu l’expérience de la contemplation que nous demanderons de la définir :

  • « Une simple vue et pénétration de la Vérité. » Saint Thomas d’Aquin (Somme théologique)
  • « Une connaissance amoureuse de Dieu. » Saint Jean de la Croix (Nuit obscure)
  • « Une amoureuse, simple et permanente attention de l’esprit aux choses divines. » Saint François de Sales (Traité de l’amour de Dieu)

La contemplation peut donc être définie comme étant un simple regard d’amour absorbé en Dieu dans l’immobilité et le silence intérieur de l’âme.

Il n’y a pas de prière plus parfaite, car c’est alors que se réalisent les paroles de saint Paul : « L’Esprit-Saint prie en nous avec des gémissements inénarrables. » (Rom 8, 26)

Cela peut se réaliser sous les apparences les plus simples. On sait comment chaque soir le Curé d’Ars voyait un paysan s’installer au fond de l’église après son travail aux champs et rester là pendant plusieurs heures. Un jour, n’y tenant plus, le saint Curé lui demanda ce qu’il faisait, et le paysan de lui répondre : « Je l’avise et il m’avise. »

Si toute la vie d’oraison tient dans cette fameuse parole de saint Paul « Mihi vivere Christus est (pour moi, vivre c’est le Christ) » (Ph 1, 21), parole qui résume tout ce que les âmes assoiffées de perfection rechercheront jusqu’à la fin des temps, c’est à la Très Sainte Vierge que nous demanderons de nous conduire par la main dans les sentiers de la prière, d’échapper aux pièges de l’illusion comme aux tentations de découragement, et de parvenir enfin au seuil de ces régions mystérieuses mais si désirables qui sont voisines de l’éternité.

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