Conciles d'Alexandrie 430
De Salve Regina
Histoire de l'Eglise | |
Auteur : | Chanoine Adolphe-Charles Peltier |
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Source : | Dictionnaire universel et complet des conciles |
Date de publication originale : | 1847 |
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Difficulté de lecture : | ♦♦ Moyen |
Remarque particulière : | Publié dans l'Encyclopédie théologique de l'abbé Jacques-Paul Migne, tomes 13 et 14. |
Conciles d'Alexandrie de l'an 430
1er Concile d'ALEXANDRIE : de l'an 430, au commencement de février. Dès l'an 429, saint Cyrille avait écrit à Nestorius pour essayer de le retirer par la douceur du précipice où il se jetait, lui représentant avec bonté le scandale et les maux que causaient partout les discours qui paraissaient sous son nom. Dans le synode dont il s'agit ici, et que nous rapportons sur la foi de Tillemont, à la suite de l'auteur de l'Art de vérifier les dates, il lui écrivit une seconde lettre où, après lui avoir marqué qu'il était averti des calomnies que l'on répandait contre lui, et qu'il en connaissait les auteurs, il l'exhortait comme son frère à corriger sa doctrine et à faire cesser le scandale, en s'attachant aux sentiments des Pères. Il exposait aussi dans cette lettre la règle de la foi, d'une manière très claire et exempte de toute équivoque. Cette lettre n'eut pas plus de succès que la première, Nestorius n'y répondit qu'avec fierté, et en soutenant opiniâtrement sa doctrine et ses expressions ordinaires.
2e Concile d'ALEXANDRIE : de l'an 430, vers le mois d'avril. Saint Cyrille voyant qu'il n'y avait aucun lieu d'espérer de faire revenir Nestorius par de simples exhortations, pensa, comme beaucoup d'autres orientaux, qu'il était temps de se déclarer ouvertement pour la vérité ; mais auparavant il assembla dans son église les évêques de l'Égypte, auxquels il communiqua les lettres qu'il avait écrites à Nestorius, et celles qu'il en avait reçues. Tout le concile fut d'avis que Cyrille écrivît au pape pour lui représenter l'état où était l'affaire de Nestorius, et combien il était nécessaire d'en arrêter les suites. Conformément à cet avis, il écrivit au pape Célestin une lettre où il lui rendit compte de tout ce qui s'était passé, de sa lettre aux solitaires, de ses deux lettres à Nestorius, et de la nécessité qui l'avait engagé à s'opposer à lui. Voici en quels termes il y exposa l'obligation où il était d'en écrire au pape : " Si l'on pouvait, sans encourir de blâme ni se rendre suspect, garder le silence et ne point informer votre piété par écrit de toutes les choses qu'on agite, surtout dans des choses aussi nécessaires, où la foi est en péril, je me dirais à moi-même : il vaut mieux se taire, et se tenir tranquille. Mais puisque Dieu exige de la vigilance de notre part en ces sortes de choses, et que la longue coutume des Églises nous engage à les communiquer à Votre Sainteté, c'est une absolue nécessité pour moi de vous écrire. " Il déclare qu'il n'a encore rien écrit de cette affaire à aucun autre évêque, et marque ainsi l'état de Constantinople : " Maintenant le peuple ne s'assemble plus avec Nestorius, sinon quelque peu des plus légers et de ses flatteurs ; presque tous les moines et leurs archimandrites, et beaucoup de sénateurs ne vont point aux assemblées, crainte de blesser leur foi. Votre Sainteté doit savoir que tous les évêques d'Orient sont d'accord avec nous, que tous sont choqués et affligés, principalement les évêques de Macédoine. Il le sait bien ; mais seul il se croit plus sage que tous. Nous n'avons pas voulu rompre ouvertement de communion avec lui, avant d'avoir communiqué ces choses à Votre Sainteté. Daignez donc nous tracer notre règle de conduite et nous dire s'il faut encore communiquer avec lui, ou lui dénoncer nettement que tout le monde l'abandonne, s'il persiste dans ses opinions. Mais il faut que la sentence de Votre Sainteté soit portée aux évêques de Macédoine et d'Orient. Ce sera leur donner l'occasion qu'ils désirent de s'affermir dans l'unité de sentiments, et de venir au secours de la foi attaquée. Et afin de mieux instruire Votre Sainteté de ce que dit et pense Nestorius, comme de ce qu'ont dit et pensé nos saints et vénérables Pères, j'envoie les livres où les passages sont marqués, après les avoir fait traduire comme il m'a été possible à Alexandrie. Je vous envoie aussi les lettres que j'ai écrites." (Cette lettre fut portée au pape par le diacre Possidonius, qui fut aussi chargé d'une instruction où était résumée avec précision toute la doctrine de Nestorius.)
3e Concile d'ALEXANDRIE : de l'an 430, le 3 novembre. Saint Cyrille, en exécution de la commission que le pape lui avait donnée, assembla les évêques d'Égypte à Alexandrie, le 3 novembre 430. Les deux premières lettres qu'il avait écrites à Nestorius y furent approuvées ; il lui en écrivit une troisième au nom de ce concile et de celui de Rome, présidé par le très saint pape Célestin, pour lui servir comme de troisième et dernière monition, lui déclarant que si, dans le terme fixé par le pape, c'est-à-dire dans dix jours après la réception de cette lettre, il ne renonce à ses erreurs, ils ne veulent plus avoir de communion avec lui, et ne le tiendront plus pour évêque, et que dès à présent ils sont en communion avec les clercs et les laïques qu'il a déposés ou excommuniés.(M. Rohrbacher a traduit ce dernier passage de la manière que voici : "Dès lors ils communiqueront avec les clercs et les laïques qu'il avait déposés ou excommuniés.")
" Au reste, ajoutent-ils, il ne suffira pas que vous professiez le symbole de Nicée ; car, ou vous ne l'entendez pas, ou vous lui donnez des interprétations violentes : mais il est nécessaire que vous anathématisiez par écrit tous les mauvais sentiments que vous avez eus jusqu'ici, et dont vous avez imbu les autres ; que vous promettiez avec serment de croire et d'enseigner à l'avenir ce que nous croyons tous, nous et tous les évêques d'Occident et d'Orient, et tous ceux qui conduisent les peuples. A l'égard des lettres qui vous ont été écrites par l'Église d'Alexandrie, le saint concile de Rome et nous tous nous sommes convenus qu'elles sont orthodoxes et sans erreur. " Saint Cyrille rapporte ensuite avec détail les articles de doctrine que Nestorius devait embrasser et enseigner, aussi bien que les termes dont il devait s'abstenir. Il propose les premiers par les paroles mêmes du symbole de Nicée ; et comme les erreurs de Nestorius attaquaient principalement le mystère de l'incarnation, il en donne une explication très ample et très exacte, conforme en tout à ce qu'il en avait déjà dit dans les lettres précédentes. Il tire entre autres cette preuve de l'Eucharistie : " Nous annonçons la mort de Jésus-Christ, et nous confessons sa résurrection et son ascension en célébrant dans les églises le sacrifice non sanglant ; ainsi nous nous approchons des eulogies mystiques, et nous sommes sanctifiés en participant à la chair sacrée et au précieux sang de Jésus-Christ, le sauveur de nous tous. Nous ne la recevons pas comme une chair commune, à Dieu ne plaise, ni comme la chair d'un homme sanctifié et uni au Verbe par son mérite, ou en qui la divinité ait simplement habité ; mais comme vraiment vivifiante et personnelle au Verbe lui-même. Car comme il est la vie substantielle en tant que Dieu, sa chair, avec laquelle il s'est uni, est devenue elle-même principe de vie. Encore donc qu'il nous dise : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'Homme, et si vous ne buvez son sang, nous ne devons pas croire pour cela que sa chair soit celle d'un homme de même condition que nous (car comment la chair d'un homme serait-elle vivifiante de sa nature ?) ; mais la chair de celui qui s'est fait et appelé le Fils de l'Homme à cause de nous. "
Saint Cyrille fait voir que les deux natures, quoique différentes, étant unies personnellement en Jésus-Christ, il est un, et non pas deux : comme l'homme lui-même est un, quoique composé d'un corps et d'une âme de natures différentes. Il rapporte quelques passages de l'Écriture, qui marquent en Jésus-Christ deux natures bien distinctes, et prouve par d'autres que ces deux natures sont hypostatiquement unies en lui. La conclusion qu'il en tire est, que la sainte Vierge ayant engendré corporellement le Verbe de Dieu, elle doit être appelée mère de Dieu : non que le Verbe ait tiré de la chair le commencement de son existence, puisqu'au commencement il était, et que le Verbe était Dieu, et que le Verbe était en Dieu, qu'il est le créateur des siècles, co-éternel au Père, et auteur de tout ce qui existe ; mais parce que s'étant hypostatiquement uni la nature humaine, il a pris dans le sein de la Vierge une naissance charnelle. C'est là, ajoute-t-il, ce que nous avons appris des saints apôtres et évangélistes, de toutes les Écritures divinement inspirées, et du véridique témoignage de tous les saints Pères. C'est à cette doctrine que vous devez souscrire avec nous, d'un parfait accord et sans aucun détour.
Saint Cyrille lui déclare ensuite, dans douze anathématismes, les erreurs qu'il devait condamner, s'il voulait être tenu pour catholique. Il choisit pour cela quelques-unes des propositions énoncées par Nestorius.
1. Si quelqu'un ne confesse pas que l'Emmanuel est véritablement Dieu, et la sainte Vierge mère de Dieu par cela même, puisqu'elle a engendré selon la chair le Verbe de Dieu fait chair ; qu'il soit anathème.
2. Si quelqu'un ne confesse pas que le Verbe, qui procède de Dieu le Père, est hypostatiquement uni à la chair, et ne fait qu'un Christ avec sa propre chair, Dieu et homme tout à la fois ; qu'il soit anathème.
3. Si quelqu'un divise les hypostases du Christ après l'union des deux natures, ne les supposant unies l'une à l'autre qu'en dignité, c'est-à-dire en autorité et en puissance, et non par une union physique ; qu'il soit anathème.
4. Si quelqu'un rapporte à deux personnes ou à deux hypostases distinctes, ce que les évangélistes et les apôtres rapportent avoir été dit de Jésus-Christ, soit par les saints, soit par lui-même, et en applique une partie à l'homme considéré séparément d'avec le Verbe de Dieu, et l'autre partie au Verbe de Dieu séparé de l'homme ; qu'il soit anathème.
5. Si quelqu'un dit que Jésus-Christ est un homme qui porte Dieu, et non pas plutôt un Dieu véritable, Fils unique de Dieu par sa nature, le Verbe fait chair, devenu semblable à nous par la chair et par le sang ; qu'il soit anathème.
6. Si quelqu'un ose dire que le Verbe procédant de Dieu le Père est le Dieu ou le maître du Christ au lieu de le reconnaître Dieu et homme tout à la fois, puisque le Verbe s'est fait chair selon les Écritures ; qu'il soit anathème.
7. Si quelqu'un dit que Jésus, en tant qu'homme, a été conduit par le Verbe de Dieu, et revêtu de la gloire qui convient au Fils unique, comme s'il était lui-même une personne différente ; qu'il soit anathème.
8. Si quelqu'un ose dire que l'homme que le Verbe a élevé à lui doit être adoré, glorifié et appelé Dieu avec lui, comme avec une personne autre que lui-même ; car en disant avec, on donne à penser cette dualité ; au lieu d'honorer l'Emmanuel par une seule adoration, et de lui rendre un seul hommage, comme au Verbe fait chair ; qu'il soit anathème.
9. Si quelqu'un dit que notre unique Seigneur Jésus-Christ a été glorifié par l'Esprit-Saint, comme ayant reçu de lui une vertu qu'il n'avait pas de lui-même, pour chasser les esprits impurs et opérer des miracles sur les hommes, au lieu de dire que l'esprit par lequel il accomplissait ces prodiges était le sien propre ; qu'il soit anathème.
10. La divine Écriture enseigne que le Christ est devenu le pontife et l'apôtre de notre foi, et qu'il s'est offert pour nous à Dieu le Père en odeur de suavité. Si donc quelqu'un dit que ce n'est pas le Verbe de Dieu lui-même qui est devenu notre pontife et notre apôtre, quand il s'est fait chair et qu'il a pris notre ressemblance, mais un homme né de la femme et autre que le Verbe ; ou si quelqu'un dit qu'il a offert pour lui-même son sacrifice, au lieu de l'offrir pour nous seuls, puisque, ne connaissant pas le péché, il n'avait pas besoin de sacrifice ; qu'il soit anathème.
11. Si quelqu'un refuse de confesser que la chair de notre Seigneur est vivifiante, comme étant la chair du Verbe lui-même Fils de Dieu, mais la considère comme la chair d'une personne autre que le Verbe, unie seulement au Verbe par l'excellence de son mérite, ou comme un temple dans lequel le Verbe divin a daigné habiter, au lieu de la considérer comme la chair du Verbe qui a la vertu de tout vivifier, et vivifiante, ainsi que nous l'avons dit, par cela même ; qu'il soit anathème.
12. Si quelqu'un ne confesse pas que le Verbe de Dieu a souffert selon la chair, a été crucifié selon la chair, a enduré la mort selon la chair, et est devenu le premier-né d'entre les morts, en tant qu'il est la vie et qu'il la donne comme Dieu ; qu'il soit anathème.
Voilà les douze célèbres anathématismes de saint Cyrille, dirigés contre les propositions hérétiques que Nestorius avait avancées. La lettre synodale qui les contient fut remise à Nestorius, à Constantinople, le 30 novembre, signée de la main de saint Cyrille. Elle fut accompagnée de deux autres lettres, l'une au clergé et au peuple de Constantinople, l'autre aux abbés des monastères de la même ville, par lesquelles saint Cyrille leur témoigne, au nom du synode, qu'il a attendu jusqu'à la dernière extrémité pour en venir à ce fâcheux remède de l'excommunication, et les exhorte tous à demeurer fermes dans la foi, et à communiquer librement avec ceux que Nestorius avait excommuniés. Pour porter ces lettres, ainsi que celles du pape saint Célestin à Nestorius, on députa quatre évêques d'Égypte.