Jésus Christ est-il Dieu ? Etude apologétique

De Salve Regina

Christologie
Auteur : Sébastien Lutz
Date de publication originale : 2000

Difficulté de lecture : ♦♦♦ Difficile

Sommaire

Jésus est-il Dieu ?

Objections : 

Objection n°1 : problème de l’égalité entre le Père et le Fils

Si Jésus est Dieu, il est égal au Père

Or Jésus n’est pas égal au Père car, dit-il, « le Père est plus grand que moi » (Jn 4:28).

Donc Jésus n’est pas Dieu.


Objection n°2 : problème de la science du Christ

Dieu est omniscient.

Or Jésus n’est pas omniscient car il avoue ne pas connaître le jour du jugement (Mc 13:31-32).

Donc Jésus n’est pas Dieu.


Objection n°3 : problème de l’éternité

Dieu seul n’est pas né car il est éternel.

Or le Christ est «le premier né de toute la création » (Col 1:15).

Donc le Christ n’est pas Dieu.


Objection n°4 : problème de la distinction des volontés

Si le Christ est Dieu, il a la même volonté que le Père.

Or le Christ distingue sa volonté de celle du Père : «Père que ce ne soit pas ta volonté, mais la tienne » (Lc 22:42).

Donc...


Objection n°5 : problème de l’impeccabilité du Christ

Dieu ne peut pas pécher.

Or le Christ pouvait pécher car Satan l’a tenté (Mt 4:4-11).

Donc...


Objection n°6 : problème de la soumission du Christ

Il appartient à la créature et non au créateur d’être soumis.

Or le Christ est soumis au Père car « Dieu est le chef du Christ » (1 Co 1:13)

Donc le Christ est une créature.


Objection n°7 : l’absurdité de la Trinité

Ce qui est absurde est à rejeter.

Or le mystère de la Trinité est absurde : il prétend que trois sont un.

Donc...


Objection n°8 : l’âge du Père et du Fils

Un fils ne peut être aussi âgé que son Père.

Or si le Fils est Dieu, il est éternel comme le Père.

Donc...


Objection n°9 : Jn 17:3

Le Père est : « le seul vrai Dieu » (Jn 17:3)

Or le Fils n’est pas le Père.

Donc le Fils n’est pas seul vrai Dieu.


Objection n°10 : Jn 1:18

« Nul n’a jamais vu Dieu » (Jn 1:18)

Or les apôtres ont vu Jésus

Donc....


Objection n°11 : Ap 3:14

Si le Christ a été crée il n’est pas Dieu.

Or le Christ est le « commencement de la création de Dieu [1]» (Ap 3:14)

Donc....


Objection n°12 : 1 Co 8:5-6

« Bien qu’il y ait, soit au ciel, soit sur la terre, de prétendus dieux -et de fait il y a quantité de dieux de quantité de seigneurs-, pour nous en tout cas, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père[2] , de qui tout vient et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes » (1 Co 85:5-6)


Argument d’autorité : 

Le Concile de Rome (382) enseigne : 

« Si quelqu’un ne dit pas que le Fils de Dieu est le vrai Dieu, comme son Père est le seul vrai Dieu, qu’il peut tout, qu’il sait tout et qu’il est égal au Père, il est hérétique » (DS 164).


Argumentation : 

Nous regroupons nos arguments pour prouver la divinité du Christ sous douze rubriques.


En réfléchissant sur le sens de l’expression « Fils de Dieu »

Si le Christ est vrai fils, il est nécessairement vrai Dieu.

Or le Christ est vrai fils.

Donc le Christ est vrai Dieu (cf. S. Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils [SG], Livre IV, Chapitre 7).

Preuve de la majeure

Le terme filiation n’est pris dans son sens véritable que lorsque l’être engendré procède de la substance de l’être générateur. Dans ce cas, l’engendré est de la même espèce que le géniteur : le fils d’un homme est un homme[3].


Preuve de la mineure

Fils de Dieu peut-être compris au sens propre (stricto sensu) ou sens figuré. Le sens propre est celui que nous avons expliqué plus haut ; le sens figuré est appliqué par la Sainte Ecriture aux hommes qu’ils soient justes (Mt 5:9), juges (Ps 82:6), formant le peuple de Dieu (Ex 4:22) ou rois (2 S 7:14) et aux anges (Jb 1:6).


  1. Or la filiation de Jésus différe de :
  • celle des hommes :

Jésus prend toujours le soin de distinguer sa propre filiation de celle des autres hommes. C’est donc que sa propre filiation est d’une autre nature et que l’on doit comprendre que Jésus est le Fils au sens propre et non au sens métaphorique :  «Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20:17). De même, il désigne son Père comme «son propre (‡diojPère » (Jn 5:18).

  • celle des anges :

« Car auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit : ‘‘Tu est mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui ’’» (He 1:5). 

2. Elle est prise dans son sens strict par l’Ecriture :

« Afin que nous soyons en son vrai fils» (1 Jn 5:20)

« Lui qui n’a pas épargné son propre Fils (toà „d…ou uƒoà[4]) » (Rm 8:32)

« Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu le Fils Unique[5], qui est dans le sein du Père, est celui qui nous l’a fait connaître » (Jn 1:18).

3. Elle a bien été comprise au sens strict par les juifs.

Au grand-prêtre qui lui demande « Je t’adjure par le Dieu Vivant de nous dire si tu es le Christ Fils de Dieu », Jésus répond « Oui » et à cause de cette confession Jésus est jugé pour blasphème et condamné à mort. Or ces paroles doivent être comprises d’une filiation au sens propre. En effet, il n’était pas possible de condamner à mort quelqu’un pour avoir dit qu’il était le fils de Dieu au sens adoptif car tous les saints sont fils de Dieu dans ce sens ; de même aucune loi ne punissait de la peine de mort de se dire un prophète ou le Messie. Par contre, dans la loi juive trois blasphèmes étaient punis de mort : maudire Dieu, prononcer en vain son nom (Ex 20:7 ; Lv 24:16) et se renvendiquer l’égal de Dieu (Jn 10:33). Les deux premiers cas étant exclus, reste le troisième. Par conséquent, les juifs ont compris que le Christ s’est déclaré fils de Dieu au sens propre. De même, Jn 5:18 : « il appelait Dieu son Père se faisant ainsi l’égal de Dieu ».


En réfléchissant sur le sens de l’expression « plénitude de la divinité »

Aucune créature ne peut recevoir en elle la plénitude de la divinité.

Or dans le Christ « habite toute la plénitude de la divinité[6] » (Col 2:9).

Donc le Christ n’est pas une créature (cf. SG, IV, 7).

Preuve de la majeure

Seul Dieu possède la plénitude de la divinité en raison de son infinité ; les créatures ne font que participer aux perfections du créateur.

Objection : posséder la plénitude de la divinité n’implique pas pour autant que le Christ soit coégal et coéternel au Père. Ainsi ce n’est pas parce que les hommes ont en commun la nature humaine, qu’ils sont coégaux ou qu’ils ont tous le même âge.

Réponse : il faut se garder d’appliquer de façon univoque les notions de nature, de personne, de génération aux créatures et au créateur, sinon on arrive à des absurdités. Il ne faut pas oublier que Dieu est unique et que, par conséquent, posséder la plénitude de la nature de Dieu signifie, ni plus ni moins, que le Fils est consubstantiel au Père. Si l’on refuse cette consubstantialité, on arrive en toute logique à professer l’existence de deux dieux, c’est-à-dire à professer le polythéisme.

A partir de Jn 8:58

Seul Dieu peut dire : « Moi je Suis ».

Or Jésus dit « Avant qu’Abraham ne fût, Moi je Suis » (Jn 8:58).

Donc...

Preuve de la majeure

Dieu est L’ÊTRE par excellence, en lui essence et existence confondent c’est-à-dire que la nature même de Dieu est d’exister sans commencement ni fin (cf. S. Thomas d’Aquin, Somme de Théologie [S. Th.], Ia, q. 3, a. 4). C’est pourquoi, dans l’Ancien Testament, Dieu a révélé son nom en disant « Je Suis celui qui Suis » (Ex 3:14). Tel est aussi le sens de tétragramme YHWH dont la Bible se sert pour désigner Dieu et qui est composé des quatre lettres du verbe être en Hébreu.

Preuve de la mineure

Jésus s’attribue ici les paroles mêmes de Dieu. Il le fait d’ailleurs à plusieurs reprises : Jn 8:24 ; Jn 8:28 ; Jn 13:19. Les juifs ont très bien saisi l’allusion puisqu’ils prennent des pierres pour lapider Jésus (Jn 8:59).


Objection : certaines Bibles traduisent « Avant qu’Abraham ne fût, j’étais »

Réponse : le texte grec est formel :  on y lit « œgwe„m… ». Il s’agit d’une première personne du singulier, indicatif présent, voix active. On notera donc à la fois l’opposition temporelle (aoriste / présent) et la différence aspectuelle[7] (le paraître à l’existence de gšnesqai / l’acte même d’existence de enai[8] Traduire autrement serait trahir.

Instance : la question porte sur l’âge de Jésus et non sur son identité.

Réponse : faux, les juifs lui demandent « Qui te prétends-tu ? » (Jn 8:53)


En réflechissant à l’essence de Dieu et à ses implications

Tout ce que Dieu a en lui-même est son essence .

Or tout ce que possède le Père appartient au Fils.

Donc le Père et le Fils ont même essence et même nature (cf. SG, IV, 7).

Preuve de la majeure

Dieu est infiniment simple ( S. Th., Ia, q. 3, a. 7).

Or, si l’on distingue entre l’essence de Dieu et ses attributs, Dieu n’est plus simple. Il faut donc dire que tout ce que Dieu a il l’est : « Quidquid in Deo est, Deus est » ; « Quod habet, hoc est » (S. Augustin : La cité de Dieu, 11, 10:1). Autrement dit, cela signifie que celui qui posséde tout ce que Dieu a, posséde tous ses attributs (éternité, immensité, unicité, immutabilité, simplicité)

Donc...

Preuve de la mineure
  • « Tout ce que mon Père possède est à moi » (Jn 16:15).
  • « Tout ce qui est à moi est à toi ; tout ce qui est à toi est à moi » (Jn 17:10).

A partir de He 1:6

On ne peut se prosterner que devant Dieu :  « Tu ne te prosterneras pas devant un autre dieu » (Ex 34:14). La raison est que l’on ne rend de culte qu’à Dieu.

Or le Père en personne ordonne qu’on se prosterne devant son Fils : « Que tous les anges se prosternent devant lui » (He 1:6).

Donc...

Objection : on se prosterne également devant les apôtres. (Ac 10:25)

Réponse : mais cette marque d’adoration est réfusée comme indue : « mais Pierre le releva en disant : ‘‘ Relève-toi. Je ne suis qu’un homme ’’» (Ac 10:26) ; même épisode dans Ap 19:10 où S. Jean se proterne devant un ange : « Non attention, je suis serviteur comme toi. C’est Dieu que tu dois adorer (proskÚnhson) ». Par contre, Jésus ne refuse jamais une telle marque (Mt 20:20 ; Mc 1:40 ; Jn 9:38).

Instance : on trouve dans la Bible des passages où des hommes se prosternent devant d’autres hommes sans que cela signifie qu’ils les adorent comme Dieu. (Gn 23:7 ; 42:6 ; Ex 18:7...)

Réponse : cela est dû à la polysémie du verbe proskune‹n qui signifie deux choses[9] :

1. s’incliner vers la terre pour saluer profondemment une personne (cas cités dans l’instance)

2. se prosterner pour adorer Dieu (Ex 34:14)

Or devant Jésus ces deux actions sont effectuées : « Et les veillards s’inclinèrent (rendu par p…ptw synonyme de proskune‹n sens 1) et l’adorèrent (proskune‹n sens 2) » (Ap 5:14) ou selon une meilleure traduction qui comprend ce passage comme un hendiadyin[10] : «Et les Veillards se prosternèrent pour l’adorer ».

En réfléchissant sur le pouvoir de remettre les péchés

Seul Dieu a le pouvoir de remettre les péchés.

Or le Christ a le pouvoir de remettre les péchés.

Donc...

Preuve de la majeure
  • Seul a le pouvoir de pardonner celui qui est offensé.

Or par le péché c’est Dieu qui est offensé.

Donc...

  • « Qui a le pouvoir de remettre les péchés sinon Dieu seul  ? » (Lc 5:21).
Preuve de la mineure

« Le Fils de l’homme a sur terre le pouvoir de remettre les péchés » (Mt 9:6 et Lc 5:23).


En réfléchissant sur le sens de la création

La création n’appartient qu’à Dieu.

Or le Christ a tout créé.

Donc...

Preuve de la majeure

La création, passage du néant à l’être, est à l’origine et à la base de Tout ce qui est. Elle ne peut donc être que l’effet d’une cause première incausée. Rien par conséquent ne saurait y coopérer, fût-ce par mode d’instrument, puisque aucun être, sauf Dieu, n’existe préalablement à la création (cf. S. Th., Ia, q. 45, a. 5)[11]. La création est d’ailleurs attribuée à Dieu seul dans la Bible : « C’est toi Yahvé, toi seul, qui as fait les cieux, le cieux des cieux et toute leur armée, et la terre et tout ce qui la couvre.[12] » (Ne 9:6).


Preuve de la mineure
  • « Par lui Tout a été fait » (Jn 1:3).
  • « Car en lui ont été crées TOUTES choses :  les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes, Seigneuries, les Principautés, les Puissances, Toutes choses ont été créées par Lui et pour lui, et Il est avant tout et toutes choses subsistent en lui » (Col 1:16-17)[13].

En comparant des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament

Passages de l’Ancien Testament qui s’appliquent à Dieu lui-même (YHWH)


Passages du Nouveau Testament qui s’appliquent au Christ
Alors je dis : ‘‘ Malheur à moi, je suis perdu (...) car mes yeux ont vu le Roi, YHWH des armées’’ » (Is 6:5) « Isaïe dit ces choses lorqu’ils vit sa gloire et qu’il parla de lui (= le Christ) » (Jn 12:41)
« Une voix crie : ‘‘ Dans le désert préparez le chemin de YHWH, frayez la steppe, aplanissez une route pour notre Dieu’’ » (Is 40:3) Passage appliqué à Jésus en Mt 3:3
« Ainsi parle YHWH : ‘‘ Je suis le premier et le dernier’’ » (Is 44:6) Jésus dit « Je suis le premier et le dernier » (Ap 22:13)
« Et YHWH me dit : ‘‘ Jette-le au potier ce prix magnifique auquel j’ai été estimé par eux ’’ et je pris les trente sicles d’argent et je les jetais au potier » (Za 11:13) Jésus est estimé à trente sicles d’argent (Mt 27:3-10).
« Ainsi parle YHWH qui a étendu les cieux et fondé la terre... : ‘‘alors je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de vérité et ils tourneront vers moi, celui qu’ils ont percé » (Za 12:1-10) Jésus est celui qui est transpercé : Jn 19:37.

En réfléchissant à la notion de médiateur :

Pour racheter adéquatement le péché originel il faut offir une satisfaction équivalente à la faute.

Or seul un Homme-Dieu peut offir une telle satisfaction.

Donc.... ( inspiré de S. Th. : IIIa, q.1 , a. 2, ad 3)


Preuve de la mineure :

Le péché contre Dieu comporte une certaine infinité en raison de l’infinie majesté divine : l’offense est d’autant plus grave que l’offensé occupe un rang le plus haut.

Or seul un Homme-Dieu est capable d’être médiateur pour une telle faute : aucune créature ne peut restituer à égalité de proportion mais le Christ en tant qu’Homme représente le genre humain et en tant que Dieu donne à son acte une valeur infinie. Verbe incarné il est le seul à pouvoir accomplir une action qui soit à la fois pleinement humaine tout en ayant une valeur infinie : la mort du Christ a une portée infinie car elle est celle d’une personne divine et l’offrande de sa mort, acte pleinement volontaire et pleinement humain est l’acte de Dieu lui-même[14].

Donc...

Objection : puisque c’est par la transgression d’un seul homme, Adam, qui a plongé la race humaine dans l’imperfection, le sang d’un autre homme parfait, ayant une valeur correspondante, un second Adam, satisfait aux exigences de la justice divine : ce qui a été perdu étant la vie d’un homme parfait, il suffit d’offrir une vie d’un autre homme parfait pour restituer à égalité.

Réponse : la restitution selon la justice particulière ne suffit pas, il faut encore restituer selon la justice générale. Si quelqu’un a volé un million de francs, il ne doit pas uniquement restituer le million de francs. Par le vol du million de francs, le bien commun de la Cité a été lésé car la concorde et la sécurité ont été perturbés. Le voleur doit encore purger une peine (par ex : la prison) qui moins pour but de l’empêcher de nuire ou de le convertir que de restituer au bien commun ce qui a été enlevé (S. Th., IIa-IIae, q. 62, a. 3) De façon analogique, « le péché est un acte désordonné ; il est manifeste que celui qui pèche, agit contre un ordre. Et c’est pourquoi il convient qu’il soit rabaissé par cet ordre même. Cette déchéance est appelé la peine » (S. Th., Ia-IIae, q. 87, a. 1). Or le péché originel a bouleversé de façon irréparable l’ordre de la justice primitive : en refusant sa subordination à Dieu principe suprême de l’univers Adam a mérité la mort (Rom 6:23). Par conséquent, en raison de l’infinité de ce péché, le bien commun de l’univers, qui est Dieu, exige, si l’on veut racheter le péché à proportion[15], un acte infini.

A partir de Jn 10:30

« Moi et le Père, nous sommes un » (Jn 10:30)

Ce passage affirme l’unité de nature entre le Père et le Fils.

Objection : S. Paul écrit : « Moi j’ai planté, Apollos a arrosé, (...) celui qui plante et celui qui arrose sont un » (1 Co 3:6-8). S. Paul ne veut pas dire qu’Appolos et lui étaient deux personnes en une mais qu’ils étaient un dans le même dessein. De même en Jn 17:21-22, le Christ prie pour ses disciples « soient un ». L’unité affirmée n’est donc pas une unité de nature mais de pensée et de dessein.

Réponse : Il faut tout d’abord noter une grosse confusion dans l’exposition du mystère de la Trinité : celui-ci n’affirme pas que trois personnes forment une seule personne mais que trois personnes partagent la même substance. Par ailleurs, si l’on veut esquisser une comparaison entre Jn 10:30 et 1 Co 3:6-8 et Jn 17:21, il faut la pousser jusqu’au bout, en comparant ce qui est comparable et en établissant des différences. Dans les cas cités en objection nous avons à faire à un tout moral c’est-à-dire à une unité dont les parties, actuellement distinctes et séparées, sont unies par le lien moral d’une même fin (cf. une nation, une armée, une école)[16]. Est-ce le cas pour Jn 10:30 ? Seul le contexte permet de répondre à cette question. Or, d’après le contexte, l’unité affirmée est bien d’ordre métaphysique, essentiel et non accidentel : Jésus en effet est interrogé sur sa nature (Jn 10:24) et la réponse qu’il fait est assimilée à un blasphème car on prend des pierres pour le lapider (Jn 10:31). Les juifs comprennent cette parole au sens strict qui d’un autre ordre que l’unité morale car elle implique la divinité du Christ : « toi qui es un homme, tu te fais Dieu » (Jn 10:33). Enfin le Christ, après avoir répondu aux juifs par un argument a fortiori de type rabinique (Jn 10:34-38)[17], affirme de nouveau sa divinité : « le Père est en moi et moi dans le Père » (Jn 10:38). Tout le passage est donc une triple affirmation de la divinité du Christ : son unité de nature (Jn 10:30) ; sa filiation naturelle (Jn 10:36) et une co-existence du Père dans le Fils et du Fils dans le Père (Jn 10:38).

En réfléchissant à la notion de Sauveur

En Isaïe 43:11 Dieu déclare « En dehors de moi, il n’y a pas de sauveur ». De même, il avait été prohétisé que c’est Dieu qui devait venir sauver l’humanité « Lui-même vient et vous sauvera » (Is 45:6)

Or, dans le Nouveau Testament, c’est le Christ qui est Sauveur (Lc 2:21).

Donc...

La divinité de Jésus est expressément enseignée en divers endroits du Nouveau Testament.

Jn 1:1

« Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu » (Jn 1:1).

Objection : il n’y a pas d’article devant qeÒj . Il faut donc traduire « et le Verbe était un dieu »

Réponse : 

  • Devant l’attribut, l’article est généralement omis.[18]
  • Dans Jn 1:6 ; 1:12 ; 1:13 ; 1:18 ; 3:21 ; 13:3 l’article est omis devant qeÒj bien qu’il s’agisse, comme l’indique le contexte, du Père.
  • Si Jean avait voulu dire : «et le Verbe était d’essence divine » , il aurait dû employer qe‹ojau lieu de qeÒj[19].

Instance n° 1 : il est dit au verset 1 et 2 « Le Verbe était avec Dieu ». Comment être avec Dieu et être Dieu ? Peut-on être avec une personne et être cette personne ?

Réponse : c’est là toute la Trinité qui est affirmée : unité de nature et distinction de Personnes : le Verbe est avec Dieu (= le Père), il n’est pas le Père mais est Dieu (le Fils). On est donc bien avec une personne (le Père), sans être cette personne car il y a trois personnes en Dieu.

Instance n° 2 : il possible de considérer que Jésus est un dieu au sens où l’entend le Ps 82:6 où les juges sont qualifiés de « dieux ».

Réponse : il s’agit d’une titulaire officielle appliquée aux grands, aux princes, aux anges et même au diable (2 Co 4:4) Pour comprendre la nature de cette titulature, il faut la comparer avec d’autres lieux parallèles où les mêmes êtres sont désignés. Ainsi, dans d’autres versets, ces êtres sont qualifiés de fils de Dieu (Ps 89:7 ; Ps 29:1 et aussi Jb 1:6 ; Gn 6:1-4). Or nous l’avons vu {3.1.2}, le Christ est Fils de Dieu dans un sens propre, unique et incomparable. Par conséquent, pour garder au texte biblique sa logique, de même qu’on ne peut pas comparer le filiation du Christ aux autres filiations, de même on ne peut comprendre que Jésus est un dieu au dans le sens du Ps 82.


Tt 2:13

« en attendant la bienheureuse espérance et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ Jésus[20] » (Tt 2:13).


Objection : il faudrait lire « de notre grand Dieu et du Sauveur Jésus ».

Réponse : dans le texte grec, l’article se trouve devant « grand Dieu » ; il n’est pas répété devant « Sauveur ». « Sauveur » et « grand Dieu » dépendent grammaticalement, comme dans la traduction française, du même article. Ces deux mots désignent donc bien la même personne. Pour prendre un exemple tiré d’une même épître, on trouve la même construction grammaticale en 2 P 1:1 « Par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus Christ » où là aussi la divinité est enseignée et dans 2 P 1:11 « Dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ ». Question : alors qu’aucune Bible, pas même celle des TDJ, n’éprouve le besoin d’ajouter un article devant 2 P 1:11, pourqoui faudait-il en ajouter un -qui ne se trouve pas le texte grec- dans 2 P 1:1 et Tt 2:13 ? Nous sommes bien dans le trois cas dans la même construction grammaticale[21]. Enfin cette leçon s’harmonise bien avec les nombreux passages de l’Ancien Testament qui désignent YHWH comme Sauveur « De Dieu sauveur, il n’y a pas d’autre que moi » (Is 45:21).


Rm 9:5

« Le Christ, qui est au-dessus de toute chose, Dieu béni éternellement » (Rm 9:5).


Objection : il faudrait lire une doxologie du type : « Dieu soit béni éternellement. »

Réponse :

« Cette opinion ne tient ni quant à la langue, ni quant au fond. Quant à la langue, elle exigerait un arrêt dans la ponctuation, soit devant ho on, soit avant Theos. (...) Or les doxologies de Paul se rattachent toujours à ce qui les précède. (...) Paul qui a dit du Christ isa theo (Ph 2:6) et qui le regarde comme objet du culte des fidèles, a très pu le dire de Dieu ; et puisque c’est le sens grammatical de la phrase, il n’y a pas à hésiter. (...) La tradition ancienne a donc vu avec raison dans ce verset l’affirmation par Paul de la divinité du Christ (cf. Durand, 1.1.). On citera ici le témoignage de Tertullien (Prax. 15) :  christum autem et ipse cognominiavit, quorum patres, et ex quibus christus secundum carnem qui est super omnia deus benidictus in aevum ».[22]

I Jn 5:20

« Et nous sommes dans le Véritable en son Fils Jésus Christ, c’est lui qui est le Dieu véritable et la vie éternelle » (1 Jn 5:20).


Objection : il faudrait lire : « Et nous sommes dans le véritable avec son Fils Jésus Christ. C’est là le vrai Dieu... »


Réponse :

Le pronom démonstratif oátoj se rapporte immédiatement à ce qui précède.[23]

Or ce qui précède (l’antécédent) est 'Ihsoà.

Donc...

De plus la traduction proposée tourne à la tautologie car le Véritable a déjà été évoqué. On ne voit pas très bien pourquoi S. Jean dirait que le « Véritable (...) c’est lui le Dieu Véritable » (?).

Jn 20:28

Thomas dit en s’adressant au Christ après sa Résurrection  :  « Mon Seigneur et mon Dieu[24] » (Jn 20:28).

Ac 20:28

Le sacrifice par lequel le Christ a versé son sang est le sacrifice de Dieu lui-même « soyez les bergers de l’Eglise de Dieu qu’il s’est acquise par son propre sang ». Il est indu de traduire ici, comme le font certaines traductions, « par le sang de son propre fils » : le mot fils [uƒÒj] ne se trouve pas dans les manuscrits[25]. Certes, nous savons par ailleurs (1 Jn 1:7) que nous avons été rachetés par le sang du Fils de Dieu, mais il est affirmé ici que ce sang est aussi le sang de Dieu ; par conséquent le Fils de Dieu est Dieu. Cette inteprétation est la plus naturelle et la seule qui ne trahit pas le sens de l’Ecriture en rajoutant des mots qui n’y sont manifestement pas.

Ph 2:6

« Lui qui est de condition divine, il n’a pas considéré comme une usurpation d’être égal à Dieu » (Ph 2:6)

Objection : on lit dans certaines Bibles « n’a pas songé à une usurpation à savoir pour être égal à Dieu. » ce qui signifie exactement le contraire :  il n’a pas voulu usurper le rang de Dieu [26].

Réponse : outre le fait que la traduction proposée est du véritable petit négre, elle ne respecte pas la construction naturelle de la phrase.

Voici le texte grec : oÙc ¡rpagmÕn ¹g»sato tÕ enai ‡sa qeó


¡rpagmÕn : une usurpation[27]

tÕ enai ‡sa qeó : infinitif substantivé : le fait d’être égal à Dieu.

OÙc ¹g»sato : verbe : il n’a pas considéré

Construction :

OÙc ¹g»sato se construit avec deux accusatifs, c’est le cas typique de la construction avec l’attibut du c.o.d qu’on trouve après les verbes signifiant nommer (je te nomme Pierre), désigner (ils l’ont désigné président), regarder pour....[28] C’est le cas d’¹gšomai[29]. Voci un exemple emprunté d’Hérodote : t¾n meg…sthn da…mona ¿ghntai enai : qu’ils considèrent comme la plus grande divinité. Le sens de Ph 2:6 est donc bien «  il n’a pas considéré comme une usurpation le fait d’être égal à Dieu ».

Instance : au verset 5, S. Paul conseille aux chrétiens d’imiter le Christ sur l’attitude en question. Peut-on penser que pour eux ce ne serait pas une usurpation mais un droit d’être égal à Dieu ? En revanche ils pouvaient imiter quelqu’un qui n’a pas voulu usurper le rang de Dieu.

Réponse : l’imitation que conseille S. Paul ne concerne pas le v. 6 mais tout le passage qui montre l’obéissance de Jésus face au Père et son humilité ; c’est pourquoi S. Paul après avoir exposé l’exemple du Christ, en tire une leçon de soumission : « De la même façon, vous qui avez été toujours obéissants, soyez-le non seulement en ma présence, mais bien plus en mon absence. »


Réponses aux objections :  

Réponse à l’objection n°1

Il faut distinguer entre les deux natures de Jésus. Jésus est à la fois vrai Dieu et vrai homme. C’est pourquoi en tant que Dieu Jésus est égal au Père et en tant qu’homme il lui est inférieur.

En prenant la nature humaine, le Christ s’est abaissé et est devenu en quelque sorte inférieur à lui même : « il s ’est dépouillé lui même en prenant forme d’esclave, devenant semblable aux hommes » (Ph 2:7).

Par conséquent, le texte invoqué par l’objectant n°1 ne pose pas de problèmes car il concerne la nature humaine de Jésus.

Un schéma permet de mieux comprendre les conséquences de l’Incarnation (ce schéma peut aussi servir mutatis mutandis à répondre aux objections 1.4 et 1.6).


Le Fils de Dieu Incarné


a deux natures


il est vrai Dieu il est vrai homme


donc ET donc

égal au père inférieur au père


Solutions enviagées pour expliquer l’ignorance du Christ

Solution des pères grecs

Comme les Pères grecs (saints Athanase, Grégoire de Naziance, Cyrille d’Alexandrie) et certains thomistes modernes[30], on admet que le Christ ignorait le jour du jugement. Dans ce cas on attribue l’ignorance à l’humanité du Christ.

Cependant, cette solution semble ne pouvoir être admise en raison de la condamnation du Saint-Office concernant ceux qui affirment que la science humaine du Christ est limitée sur certains points (DS 3646-3647). Par ailleurs la Sainte Ecriture affirme bien l’omniscience du Christ : « Maintenant, nous savons que tu sais toutes choses » (Jn 16:30) ; « Il lui répondit : ‘‘ Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime’’ » (Jn 21:17)


Solution proposée par S. Thomas 

Cette solution est celle de l’ignorance économique (fondée sur l’o„konom…aQeoà c’est-à-dire les dispositions divines concernant le Salut) selon laquelle le Christ, bien que connaissant le jour du jugement n’avait pas à le faire connaître aux hommes.


« Arius et Eunomius ont appliqué ce texte non pas à l’âme du Christ, dont ils n’admettaient pas l’existence, mais à la connaissance du Fils, prétendant qu’il était sous ce rapport inférieur au Père. Cette doctrine est inadmissible car par le « Verbe toutes choses ont été faites », dit S. Jean (1:3), et parmi elles également tous les temps. Or, rien n’a été fait part le Verbe qui fût ignoré par lui.

On doit donc dire que, dans ce cas, ignorer le jour et l’heure du jugement signifie ne pas le faire connaître. Interrogé en effet à ce sujet par ses apôtres, le Christ n’a rien voulu lui révélé. C’est ainsi qu’en sens contraire nous lisons dans la Genèse (22:12)  « maintenant j’ai connu que tu crains Dieu », ce qui signifie :  j’ai fait connaître que tu crains Dieu. On dit que le Père connaît le jour du jugement, parce qu’il communique cette connaissance au Fils. Dès lors cette expression :  « si ce n’est le Père », signifie précisément que le Fils connaît le jour du jugement, non seulement selon sa nature divine, même selon sa nature humaine. Comme le montre en effet S. Jean Chrysostome, « s’il a été donné au Christ homme de savoir de quelle manière il devait juger, à plus forte raison devait-il connaître l’époque du jugement qui une chose moins importante ».

Origène, il est vrai, entend ce texte du corps du Christ, qui est l’Eglise et qui ignore cette époque. D’autres enfin disent qu’il faut l’entendre du fils adoptif de Dieu et non de son Fils par nature » (S. Th., IIIa, q. 10, a. 2, ad 1).


Réponse l’objection n°3

Le syllogisme de l’objection n°3 pose deux problèmes distincts.


A) La majeure pose le problème de la procession et de la génération (désignée par l’objection sous le terme « naissance »).


Comment une telle procession est-elle possible en Dieu  ? Comment peut-elle être éternelle ? C’est là tout le problème de la Trinité. Sans entrer dans des considérations métaphysiques qui nous mèneraient trop loin[31], il faut bien constater que c’est là l’enseignement formel de la Sainte Ecriture.


  • « Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui » dit le Psaume (Ps 2:7). Le contexte montre bien qu’il s’agit d’un Psaume messianique ce qui est confirmé par l’attribution de S. Paul dans son épître aux Hébreux (He 1:5)
  • Le Christ lui-même parle de cette génération en évoquant sa filiation (cf. notre 3.1) et en affirmant «Moi, en effet, à partir de Dieu, je suis sorti »[32] (Jn 8:42) :  «™gë g¦r ™k toà qeoà ™xÁlqon »de œrcomais’en aller et ™x hors de.

B) La mineure pose le problème de la signification du terme « premier-né » (prwtotÒkoj


Celui-ci ne signifie pas forcément né le premier. Il peut signifier une certaine prééminence et excellence comme l’explique Feuillet[33]. C’est ainsi qu’au sein d’une fratrie, David, qui bien qu’étant le plus jeune fils d’Isaïe, est appelé « premier-né » à cause de sa position prééminente dans la nation élue (Ps 89:27). Il signifie donc que dans son humanité le Christ a la prééminence sur toute la création. En effet, l’Incarnation a placé la nature humaine du Christ à la tête non seulement de toute la race humaine, mais encore de tout l’univers créé[34].

Voici l’exégèse que fait S. Athanase de ce passage : 


« Le Christ est le Fils unique dans un sens absolu, en tant qu’il est engendré du Père ; mais il est premier né en un sens relatif en tant qu’il s’est agrégé des frères ayant pris une chair semblable à la nôtre ». (Oratio II contra Arianos, § 62  ; PG XXVI, 277 sq.).


Réponse à l’objection n°4

Le Christ, avons-nous dit, a assumé la nature humaine. Or la nature humaine, parce qu’elle est celle d ’un animal raisonnable, comprend l’intelligence et la volonté. Le Christ possédait donc deux volontés :  la volonté divine due à sa nature divine et la volonté humaine conséquence de sa nature humaine (cf. S. Th., IIIa, q. 18, a.1).

Par ailleurs, on distingue, dans la volonté humaine, la volonté sensible et la volonté rationnelle (et donc proprement humaine), car il y a inclus dans la nature humaine, assumée par le Christ, la perfection de la nature animale. Si la volonté sensible peut vouloir autre chose que ce Dieu veut, la volonté de raison reste soumise à Dieu. C’est le sens de la parole de Jésus invoquée par l’objectant :  la volonté de raison voulait ce que Dieu voulait, tandis que sa volonté sensible répugnait à la souffrance, de même qu’un malade qui répugne à prendre une potion amère finit par la boire afin de guérir (Ibid., a. 5) (cf. le schéma du 4.1.).


Réponse à l’objection n°5

Si Satan a tenté le Christ c’est parce qu’il n’était pas sûr que le Christ fût Dieu. Il pensait donc qu’il pouvait peut-être pécher.


« Selon S. Augustin, « les démons ont connu le Christ dans la mesure où il l’a voulu, non par le fait qu’il est la vie éternelle, mais par certains effets temporels de sa puissance » qui leur faisaient plus ou moins conjecturer qu’il était le Fils de Dieu. Mais d’autre part, voyant en lui des signes de la faiblesse humaine, ils n’en étaient pas sûrs. Et c’est pourquoi le démon a voulu le tenter. S. Matthieu (4:2) le signale en disant :  « Quand il eut faim, le tentateur s’approcha de lui ». En effet, dit S. Hilaire, « le diable n’aurait pas osé tenter le Christ, s’il n’avait connu la faiblesse de la faim ». Et cela se voit bien à la manière dont le démon l’a tenté en disant :  « Si tu es le Fils de Dieu... ». Ce que S. Ambroise explique ainsi :  « Que signifie cette entrée en matière, sinon qu’il savait que le Fils de Dieu viendrait, mais sans se douter qu’il viendrait dans la faiblesse du corps humain  ? » (S. Th., IIIa, q. 41, a. 1).


Réponse à l’objection n°6

Le Christ en tant qu’homme était soumis à Dieu de trois façons comme l’explique S.Thomas : 


« (...) la nature humaine, par sa condition même, est soumise à Dieu de trois manières.

1. Sous la rapport de la bonté par essence, comme le montre Denys, la nature humaine ne possède qu’une certaine participation de la bonté divine, et se trouve soumise, pour ainsi dire rayonnement de cette bonté.

2. La nature humaine est soumise à Dieu en raison de la puissance de Dieu, parce que, comme toute créature, elle obéit à l’activité réglée par lui.

3. Sous le rapport de son acte propre, en tant que la nature humaine doit une obéissance volontaire aux préceptes divins.

Cette triple soumission, le Christ la confesse à l’égard de son Père. En ce qui concerne la première, nous lisons (Mt 19:17) : « pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon  ? Dieu seul est bon. S. Jérôme explique : « parce que le jeune homme l’avait appelé bon Maître, et ne le l’avait pas proclamé Dieu ou Fils de Dieu, Jésus répond que, malgré sa sainteté humaine, et en comparaison avec Dieu, il n’est pas bon ». Et puisque, selon S. Augustin, « en ces matières qui ne révèlent pas de la quantité matérielle, plus grand est synonyme de meilleur », pour cette raison on dit que le Père est plus grand que le Christ selon sa nature humaine.

La deuxième soumission est encore attribuée au Christ en tant que tous les faits se rapportant à son humanité ont été l’objet d’une disposition providentielle de Dieu. C’est pourquoi Denys affirme que « le Christ est soumis aux ordres de son Père ». Et c’est la soumission de servitude selon laquelle toute créature sert Dieu, en se soumettant, selon cette parole (Sg 16:24) : « la création est à ton service, à toi son Créateur ». C’est en ce sens encore qu’il est écrit aux Philippiens (2:7)  :  le Fils de Dieu « a pris forme de serviteur ».

Enfin, la troisième soumission, le Christ se l’attribue à lui-même quand il dit (Jn 8:29) :  « Tout ce qu’il lui plaît, je le fais toujours ». De là cette parole aux Philippiens (2:8) : « il s’est fait obéissant jusqu’à la mort » (S. Th. , IIIa,, q. 20, a. 1) (cf. aussi le schéma du 4.1).


Réponse à l’objection n°7

Il est absurde que prétendre que trois font un sous le même rapport car cela va à l’encontre du principe de contradiction.[35] Par exemple, il est absurde de dire que trois personnes n’en sont qu’une ou que trois dieux n’en forment qu’un. Mais ce n’est pas le cas de la Trinité. En effet, la Trinité et l’unité ne sont pas considérées sous le MÊME RAPPORT  :  la Trinité affecte les personnes et l’unité la nature.


Réponse à l’objection n°8

Le terme filiation désigne la génération d’un être. On l’emploie de manière analogique pour désigner la relation qui unit la première personne de la Trinité avec la seconde. Chez la créature, la génération s’effectue dans le temps pour la créature et dans l’éternité pour Dieu. C’est pourquoi, la majeure du syllogisme de l’objection n° 8 n’est vraie que pour les créatures. On ne peut donc l’appliquer à Dieu.


Réponse à l’objection n°9

L’objection n° 9 est intéressante, car c’est un exemple type du sophisme :  un raisonnement qui paraît juste mais qui pèche et arrive, de ce fait, à des conclusions aberrantes. Dans le cas qui nous occupe, la majeure et la mineure sont vraies, mais le syllogisme est faux, car il est mal construit. En effet, un syllogisme doit, pour être correct, comporter au moins un terme universel.[36] Or dans l’objection n° 9, les termes de la majeure et la mineure sont tous les deux singuliers[37]. Le syllogisme étant vicieux, il faut donc en refuser la conclusion.


Pour mieux comprendre ce qui vient d’être dit, voici un syllogisme construit sur le même mode illégitime : 


Le dollar est une monnaie.

Or le franc n’est pas le dollar.

Donc le franc n’est pas une monnaie.


Réponse à l’objection n°10

Pour comprendre ce passage, il faut éviter de l’isoler. Voici le verset dans son intégralité « Nul n’a jamais vu Dieu, Dieu le Fils unique qui est tourné vers le sein du Père, lui l’a dévoilé ». Ce verset se situe dans un contexte où il est question de l’Incarnation : « le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1:14) : 4 versets plus haut. Enfin, il comparer à d’autres passages de S. Jean :


« Nul n’a jamais vu le Père. » (Jn 6:46)

« Nul n’a jamais contemplé (teqšatai) Dieu. » (1 Jn 4:18)


Commentaire :

- ce passage affirme bien la divinité du Christ qualifié ici de « Dieu, Fils unique ».

- il s’agit moins d’une vision avec les yeux de la chair que d’une contemplation c’est-à-dire d’un acte par lequel nous saisissons l’essence divine directement et nous nous en imprégnons.

- cette contemplation concerne le Père qui est pur esprit et non le Fils qui est incarné.

- par contre grâce au Fils, le Père a été dévoilé, montré (™xhge‹sqai).


Conclusion :

- le sens du passage est donc le suivant, si l’on se permet de le paraphraser : nul n’a jamais vu [= contempler : voir directement] Dieu [le Père], mais le Fils unique, qui est Dieu, l’a dévoilé [nous l’a fait voir indirectement]. Autrement dit, par l’Incarnation du Fils, nous avons pu voir d’une certaine façon le Père. A ceux qui trouveraient cette paraphrase forcée, nous répondrons que c’est l’enseignement de la SainteEcriture : « qui [l’] a vu, a vu le Père » (Jn 10:14) car il est « l’image du Dieu invisible » (Col 1:15).

- par conséquent on dira, en vertu de la communication des idiomes[38], que les apôtres ont vu Dieu [le Fils]et à travers son image connu Dieu [le Père].

Réponse à l’objection n°11

La mineure est une mauvaise traduction. Il est vrai que ¢rc» signifie commencement mais ce n’est pas son seul sens ; il signifie de façon tout aussi fréquente origine ou principe. C’est ce sens qu’il convient de retenir car par le Verbe qui est « tête » (Col 1:18), « chef » (1 Co 11:3), « tout a été fait » (Jn 1:3). On voit mal en effet comment celui qui existait déjà au commencement de la création (Jn 1:1) pourrait être le commencement de cette création.

Réponse à l’objection n°12

Cette objection est une reprise de l’objection n° 8. En fait le passage ne nie pas la divinité du Christ à condition de le comprendre correctement. Si le Père est qualifié de seul Dieu, c’est pour le différencier du Christ ; c’est pour cette raison que S. Paul désigne toujours le Père par Ð qeÒj de façon absolue. Mais le Christ est désigné ici comme « l’unique  Seigneur » qui est la traduction grecque de YHWH[39] et S. Paul lui attribue la création qui, on l’a vu (3.7), est une prérogative divine. Redisons-le enfin une bonne fois pour toutes, ce n’est pas parce que Jésus est un être distinct du père que cela l’empêche d’être Dieu. C’est la définition même de la Trinité : trois personnes égales et distinctes qui partagent la même subsistance dans une unique substance. Sans doute, cela est-il difficile à comprendre mais cela n’est pas absurde.


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  1. Traduction de L-C. Fillion.
  2. Sauf indication contraire, les passages soulignés le sont par nous.
  3. Nous disons de la même espèce et pas seulement du même genre : le fils d’un homme n’est pas seulement un animal, il est aussi pleinement homme. Par conséquent, si est vraie l’hypothèse selon lauqelle Dieu a un vrai Fils, celui-ci n’est pas seulement un esprit, mais aussi Dieu au plein sens du terme, et, comme Dieu est unique, ce fils serait consubstantiel au Père. Sinon, il n’y a pas véritable filiation mais adoption.
  4. Les citations latines et grecques sont extraites du Novum testamentum graece et latine, Deustche Bibelgesellschaft, Stuttgart, 1991 édité par MM. Nestle et Aland.
  5. On notera qu’ici le Christ est non seulement qualifié de fils unique mais de Dieu. Par ailleurs, si le Christ est qualifié de fils unique cela implique qu’il n’a ni frères ni soeurs. On voit donc par là qu’il est impossible d’assimiler la filiation de Jésus à celle des hommes ou des anges même si eux aussi sont qualifiés de fils de Dieu.
  6. Il est à noter que S. Paul utilise qeÒthj formé sur qeÒj (Dieu) et non qeiÒthj formé sur qe‹oj (divin) : le premier terme est beaucoup plus fort, car il signifie la nature de Dieu lui-même, tandis que le second signifie seulement nature divine. Le sens du verset est donc que le Christ possède la plénitude de la nature de Dieu lui-même.
  7. En linguistique, on appelle aspect d’un verbe la manière dont l’action exprimée par le verbe est envisagée dans son développement. On distingue entre autres l’aspect zéro (action ponctuelle) et l’aspect duratif (action qui prend place dans une période de temps assez longue).
  8. On retrouve dans le Prologue la même valeur aspectuelle : enaiêtre employé de façon absolue sans prédicat qui signifie existerest utilsé à chaque fois qu’il est question du Verbe (Jn 1:1 ; 1:2...) tandis que gšnesqai (être dans le sens paraître à l’existence) est employé pour désigner le mode d’exister de la création (Jn 1:3), l’apparition d’un homme (Jn 1:6).
  9. A. Bailly, Dictionnaire Grec Français, Paris, Hachette, 1963, p. 1670.
  10. Hendiadyin : dédoublement de l’expression qui consiste à coordonner deux verbes alors que pour le sens l’un dépend de l’autre. (Cf. Bizos, Syntaxe grecque, Paris, Vuibert, 1966, p. 259.)
  11. On a voulu opposer à cette interprétation le verset des Proverbes où dans la prosopopée de la Sagesse créatrice (que l’on peut assimiler au Verbe[1 Co 1:24]), il est dit : ‘‘L’Eternel m’a créée au commencement de ses voies’’ (8:22). Il s’agit là encore d’une mauvaise traduction : le verbe hébreu utilisé ici [qânâh] signifie la plupart du temps acquérir, posséder ou engendrer (Gn 4:1[Caïn {Qayn}, premier engendré par Eve, est rapproché du verbe {qânâh}] ; 25,10 ; 47:19-22 ; 50:13 ; Ex 21,2 ; Lv 25:30). Il est vrai qu’on l’emploie quelquefois pour créer (Gn 14:10 ; Dt 32:6) mais ce sens est rare : le verbe hébreux utilisé pour créer (Gn 1:1) est [bara] ; c’est pourquoi, la Vulgate traduit ce verbe par acquisivit et de même pour les versions grecques Aquila, Symnaque ou Théodotion, exception faite de la version des LXX, qui traduisent par ™kt»sato. Ce sens est celui qui s’harmonise le mieux avec le contexte immédiat où la Sagesse est considérée comme préexistante à toute création : « Dès l’éternité je fus établie, dès le principe, avant l’origine de la terre. Quand les abîmes n’étaient pas, je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources aux eaux abondantes. Avant que fussent implantées les montagnes, avant les collines, je fus enfantée » (Pr 8:23-25). Enfin, pour des raisons de sens, il est impossible d’imaginer que la Sagesse de Dieu a été créée car cela impliquerait que Dieu fût un temps sans sagesse : hypothèse absurde.
  12. Tu ispe, Domine, solus, tu fecisti caelum (Vulgate).
  13. On a objecté en Lc 13:3 la traduction de p£j pris seul par « tous les autres ». C’est oublier qu’une telle traduction n’est possible que si l’on l’on oppose cet indéfini à un autre groupe ce qui n’est pas notre cas.
  14. Cf. J-M Rulleau, Le sacrifice, Publications du journal Controverses, Bulle (Suisse), 1990.
  15. Dieu, bien etendu, aurait pu remettre purement simplement le péché sans satisfaction car il n’est nécéssité en rien ( S. Th., IIIa, q. 46, a. 2, ad 3).
  16. R Jolivet, Traité de philosothie, T. I : Logique Cosmologie, Lyon-Paris, Vitte, 1939, p. 75.
  17. Il faut bien comprendre la réponse faite par Jésus. Il ne s’agit pas d’une rectification (« vous ne m’avez pas compris, je n’ai pas voulu dire que j’étais Dieu ») mais d’une négation de l’accusation : c’est ce que signifient les v. 36-38 que l’on peut paraphraser ainsi : « je ne blasphème pas, car je suis bien le Fils de Dieu (= Dieu) : mes actions le prouvent ». Cette interprétation reçoit une confirmation du contexte : si les juifs cherchent à saisir de nouveau du Christ (Jn 10:39), c’est la preuve que la réponse apportée ne nie pas sa divinité, mais la confirme.
  18. M. Bizos, Syntaxe grecque, Paris, Vuibert, 1966, p. 9. ; M. Carrez, Grammaire grecque du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 1996, p. 132 : « Syntaxe de l’article ».
  19. Nous pouvons encore expliquer l’omission de l’article par la volonté de l’auteur de distinguer le Verbe de Dieu le Père.
  20. On remarquera qu’ici et dans les autres passages de S. Paul, le Christ est toujours qualifié de Dieu avec une épithète (grand, véritable, béni éternellement....). La raison en est que S. Paul différencie Dieu le Père (toujours désigné par Ð qeÒj de façon absolue) de Dieu le Fils.
  21. On a objecté la présence d’un seul article dans 2 Th 1:2 que l’on traduit toujours par « selon la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus » ; c’est oublier que kÚrioj est toujours sans article quand il s’agit du Christ (Lc 2:9 ; Mt 27:10 ; Ac 2:20)[Carrez, Grammaire, op. cit. , p. 132 n° B] ce qui n’est pas le cas de Sauveur (Jn 4:42 ; 1 Tm. 2:3 ; 2 Tm 1:10).
  22. M.-J. Lagrange, Etudes Bibliques, Saint Paul Epître aux Romains, Paris, 1950, p. 227.
  23. M. Bizos, Syntaxe grecque, Paris, Vuibert, 1966, p. 40.
  24. Fait remarquable à noter ici : qeÒj est précédé de l’article « Ð kÚriÒj mou kaˆ Ð qeÒj mou » ; impossible donc de considérer le Christ comme un dieu (= être divin). 
  25. Voici le texte grec :  ‘‘t¾n ™kklhs…an toà qeoà ¿n periepoi»sato di¦ toà a†matoj toà „d…ou’’ ; la Vulgate  : ‘‘ecclesiam Dei, quam acquisivit saguine suo’’. De la même façon, il est impossible de sous-entendre le mot Fils car cela s’oppose à un principe fondatemental de la critique philologique et exegétique qui consiste à toujours choisir la lectio difficilior.
  26. C’est le cas de la TOB et des bibles protestantes Darby et Segond. La Bible de Jérusalem propose une 3e traduction qui ne nous semble pas justifée car elle relève plus de l’interprétation que d’une traduction littérale. (Pour une discussion plus serrée voir K. Guidon, Les Témoins de Jéhovah, l’envers du décor, Paris, Téqui, 1991, pp. 121-136).
  27. C’est le terme qui fait difficulté dans l’exégèse de ce passage. Le grec emploie ¡rpagmÒj formé à partir d’ ¡rp£zw qui signifie s’emparer de force de quelque chose (Cf. Harpagon chez Molière). Le substantif formé sur ce verbe a pour sens l’objet sur lequel porte cette action (ou son résultat) soit : chose à ravir (ou ravie) par la force. Pour trouver la meilleure traduction possible, il convient donc de s’interroger sur la chose dont on s’empare de force ; le contexte nous indique qu’il s’agit moins d’un bien matériel que d’une dignité. Le terme usurpation semble donc le mieux approprié selon la définition reçue par le dictionnaire Le Robert : «  s’approprier sans droit, par la violence ou la fraude un pouvoir, une dignité, un bien ».
  28. M. Bizos, Syntaxe Grecque, Paris, Vuibert, 1966, p. 67-68 ; Ragon, Grammaire Grecque, Paris, 1961, § 207. Pour rendre la traduction acceptable, disent les grammairiens, il faut ajouter le gallicisme comme qui ne se trouve pas en grec.
  29. Magien & Lacroix, Dictionnaire Grec Français, Paris, Belin, 1969, p. 784. L’exemple d’Hérodote est tiré du dictionnaire.
  30. J. H. Nicolas, Synthèse dogmatique, Fribourg (Suisse) & Paris, éd. Universitaires & Beauchesne, 1985, p. 380 sq.
  31. Bon exposé clair, pédagogique et simple chez E. Hugon, Le mystère de la Sainte Trinité, Paris, Téqui, 1925.
  32. Traduction littérale !
  33. A. Feuillet, art. « Premier-né », in L. Pirot (dir.) Dictionnaire de la Bible, t. VIII, Paris, Letouzey & Ané, 1972, pp. 491-511.
  34. L. Zorell, Novi Testamenti lexicon graecum, Paris, Lethilleux, 1911, p. 500 ; de même le Bailly (p. 1694) et le Magien & Lacroix (p. 1610) donnent à prwtotÒkoj le sens par extension de « premier » et de « chef » ; le Christ est donc le « chef de la création ». Cf. note b) de la Bible de Jérusalem p. 1702.
  35.   « Un même être ne peut pas à la fois être et ne pas être sous le même rapport. »
  36. J. Maritain, Eléments de Philosophie : Petite logique , Paris, Téqui, 1966, p. 221.
  37. Autrement dit, pour que le syllogisme soit acceptable, il faudrait que la majeure soit formulée de la façon suivante : « Il n’y a que le Père est qui soit le seul vrai Dieu ». Affirmation que l’on trouve nulle part dans la SainteEcriture.
  38. La communication des idiomes désigne une propriétié du langage par laquelle en vertu de l’uncité de la personne du Christ et de sa double nature humaine et divine, l’on peut attribuer au Christ-Dieu les propriétés de la nature humaine et au au Christ-Homme les proprités de sa nature divine : ainsi peut-on dire que Dieu est mort et que le Fils de l’Homme n’a pas eu de commencement. (S. Th : IIIa , q. 16, a. 1 à 12)
  39. Les Juifs par respect ne prononçaient pas le nom de YHWH mais le remplaçaient par Adonaï (KÚriojen grec, Dominus en latin, Seigneur en français). Qualifier le Christ « d’unique Seigneur » revient donc dans l’esprit d’un juif, à considérer le Christ comme Dieu.
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