Les deux sacrements du sacerdoce et du mariage – 15 janvier 1941 –

De Salve Regina

Magistère pontifical sur la famille - Discours aux jeunes époux
Auteur : Pie XII
Date de publication originale : 15 janvier 1941

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Parmi les innombrables soucis et responsabilités qui pèsent sur Nos épaules depuis que la divine Providence Nous a appelé à gouverner l'Eglise en des temps si difficiles, les audiences publiques sont une des grandes consolations que le Seigneur Nous accorde pour Notre soulagement. Ces rencontres Nous transportent pour ainsi dire dans un air plus pur ; Nous Nous y sentons plus intimement le Père, un Père qui reçoit ses enfants et qui au milieu d'eux ouvre son cœur et l'épanché librement.

Mais Nous rangeons volontiers parmi les audiences qui Nous sont particulièrement douces et agréables, celles qui réunissent autour de Nous les jeunes mariés. Animés d'une foi vive, ils viennent, au moment de commencer une vie nouvelle, présenter à Notre paternelle bénédiction leurs âmes rafraîchies par la divine rosée des grâces qu'ils ont reçues du sacrement de mariage.

N'avez-vous jamais réfléchi que parmi les différents états, les différentes formes de vie chrétienne, il n'y en a que deux pour lesquelles Notre-Seigneur a institué un sacrement : le sacerdoce et le mariage ? Vous admirez sans doute les grandes cohortes des ordres et des congrégations religieuses, les mérites et les gloires dont ils brillent dans l'Eglise ; et pourtant, la profession religieuse — cette émouvante cérémonie, si riche d'un symbolisme nuptial sublime et profond, si pleine de toutes les louanges dont Notre-Seigneur et l'Eglise exaltent la virginité et la chasteté parfaite — la profession religieuse, disons-Nous, si éminente que soit la place occupée dans la vie et l'apostolat catholiques par les religieux et les religieuses, la profession religieuse n'est pas un sacrement.

Au contraire, le plus modeste mariage que célèbrent deux fiancés pressés de retourner au travail et que bénit un simple prêtre, en présence de quelques parents ou amis, dans la pauvre petite église d'une campagne solitaire ou dans l'humble chapelle d'un quartier ouvrier, ce rite sans éclat ni pompe extérieure est un sacrement et il se place, par sa dignité de sacrement, à côté des magnificences de l'ordination sacerdotale ou de la consécration épiscopale que l'évêque du diocèse en personne accomplit dans la splendeur des ornements pontificaux et dans la majesté d'une cathédrale remplie de ministres sacrés et de fidèles.

L'ordre et le mariage, vous le savez, occupent une place toute spéciale dans l'Eglise : ils terminent et couronnent les sept sacrements. Pourquoi donc Dieu en a-t-il disposé ainsi ? Sans doute il serait téméraire de dire au Créateur : Quare hoc fecisti ? « Pourquoi avez-vous fait cela ? » ; il serait téméraire de lui demander les raisons de son œuvre et de ses perfections, si les grands docteurs, et en particulier saint Thomas d'Aquin, ne nous en avaient donné l'exemple. Marchons sur leurs traces, et il nous sera permis de rechercher et de goûter les convenances et les harmonies cachées au sein de la pensée et des élections divines, pour y puiser une plus amoureuse confiance et nous élever à une plus haute idée de la grâce reçue.

Lorsque le Fils de Dieu daigna s'incarner, la parole du Sauveur de l'humanité ramena le lien conjugal de l'homme et de la femme à sa splendeur première. Les passions humaines avaient causé la déchéance de cette noble institution : la Rédemption l'éleva à la dignité de sacrement, et à ce sacrement l'union du Christ avec son Epouse, notre Mère l'Eglise, que féconde le Sang divin, confère une grandeur spéciale. Le Sang de Jésus nous régénère dans la parole de la foi et l'eau du salut et « il donne à ceux qui croient en son nom de devenir enfants de Dieu, à eux qui ne naissent ni du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme » (Jn 1, 12-13). Ces solennelles paroles de saint Jean nous manifestent une double paternité : la paternité de la chair, par la volonté de l'homme ; et la paternité de Dieu, par la puissance de l'esprit et de la grâce divine. Ces deux paternités, dans le peuple chrétien, marquent du signe du sacerdoce et du mariage les pères selon l'esprit, qui communiquent la vie surnaturelle, et les pères selon la chair, qui donnent la vie naturelle ; et c'est pour assurer et perpétuer à travers les siècles la génération et la régénération des fils de Dieu que le Christ a institué en faveur de son Eglise les deux sacrements du mariage et de l'ordre. Deux sacrements : deux paternités, deux pères qui fraternisent et se complètent l'un l'autre dans l'éducation des enfants, fils de Dieu, espérance de la famille et de l'Eglise, de la terre et du ciel. Telle est la haute idée que l'Eglise nous donne du sacerdoce et du mariage, l'Eglise, cette Jérusalem nouvelle, la Ville sainte que Jean vit descendre des cieux vêtue comme une jeune épouse parée pour son époux (Ap 21, 2).

Elle s'élève au cours des siècles cette Jérusalem, elle se bâtit de pierres vivantes, les âmes baptisées et sanctifiées, chante la sainte liturgie, jusqu'au jour de la fin des temps, où elle montera s'unir au Christ dans les célestes joies des noces éternelles.

Quels sont les ouvriers qui travaillent à la patiente construction de cette Jérusalem nouvelle ? Avant tout les successeurs des apôtres, le pape et les évêques avec leurs prêtres ; ensemble ils disposent, polissent et cimentent les pierres selon les plans de l'architecte. L'Esprit-Saint les a établis évêques pour paître l'Eglise du Seigneur (Ac 20, 28). Mais que feraient-ils bien, s'il n'y avait auprès d'eux d'autres ouvriers pour extraire, pour tailler, pour polir les pierres, suivant les besoins de l'édifice ? Et qui sont donc ces ouvriers, sinon les époux ? Ce sont les époux qui donnent à l'Eglise ces pierres vivantes et qui les travaillent avec art ; ces ouvriers, bien-aimés fils et filles, c'est vous-mêmes.

Notez donc bien que votre paternité, votre maternité, ne devra pas se borner à extraire et à réunir péniblement les blocs de pierre brute ; il vous faudra encore les préparer, leur donner la forme qui leur permettra d'entrer pour le mieux dans l'édifice. C'est en vue de ce double office que Dieu a institué le grand sacrement de mariage.

Comme l'enseigne le Docteur angélique saint Thomas d'Aquin1, ce sacrement qui a consacré votre union, fait de vous « les propagateurs et les conservateurs de la vie spirituelle, selon un ministère à la fois corporel et spirituel » qui consiste « à engendrer les enfants et à les former au culte de Dieu ». Vous êtes, toujours sous la conduite des prêtres, les premiers et les plus proches éducateurs et maîtres des enfants que Dieu vous a confiés. Dans l'édification du temple de l'Eglise, qui ne se compose pas de pierres mortes mais d'âmes vivantes pleines d'une vie nouvelle et céleste, vous êtes pour vos enfants des précurseurs spirituels, depuis leur berceau jusqu'à l'âge d'homme, et vous devez leur montrer le ciel

Epoux chrétiens, vous n'avez pas dans l'Eglise la simple mission d'engendrer des enfants pour les offrir, pierres vivantes, au travail des ministres de Dieu que sont les prêtres. Les grâces si abondantes que le sacrement de mariage vous communique, vous ne les recevez pas seulement pour rester pleinement et constamment fidèles à la loi de Dieu dans l'auguste moment d'appeler vos enfants à la vie, et pour affronter et supporter avec un courage chrétien les peines, les souffrances et les préoccupations qui accompagnent ce moment et qui le suivent. Ces grâces vous ont été données également pour vous sanctifier, vous éclairer et vous fortifier dans votre ministère corporel et spirituel ; car, avec la vie naturelle, vous avez le devoir, comme instruments de Dieu, de conserver et de contribuer à développer dans les enfants qu'il vous donnera la vie spirituelle qu'ils reçoivent au baptême.

Aux enfants nouveau-nés, donnez aussi « le pur lait spirituel » (I P 2, 2), afin « qu'il les fasse grandir pour le salut » ; faites-en des pierres vivantes du temple de Dieu, vous qui selon la parole de saint Pierre, formez, par la grâce du mariage, « un temple spirituel, un sacerdoce saint » (I Pierre, 2, 5). Dans la formation chrétienne des petites âmes que Dieu vous confiera, une part vous est réservée, un ministère dont vous n'avez pas le droit de vous désintéresser et où personne ne pourra se substituer pleinement à vous.

Dans cette formation, vous irez bien demander l'aide de prêtres zélés et de catéchistes, l'aide aussi des excellents éducateurs que sont les religieux et les religieuses ; mais cette aide aura beau être grande, précieuse et large, elle ne vous libérera jamais de votre devoir et de vos responsabilités. Que de fois les maîtres chrétiens se plaignent et se lamentent des difficultés, parfois même des obstacles insurmontables, qu'ils rencontrent dans l'éducation des enfants confiés à leurs soins : ils doivent remédier aux déficiences de la famille, suppléer parfois à la famille elle-même ; ils doivent faire ce qu'elle a mal fait ou ce qu'elle n'a pas fait.

Les petits anges que le ciel vous donnera, conservez-les pour le Seigneur, pour sa céleste Jérusalem et pour l'Eglise. N'oubliez jamais qu'auprès du berceau doivent se tenir deux pères et maîtres, l'un naturel et l'autre spirituel. Selon les dispositions ordinaires de la divine providence, les âmes ne peuvent parvenir à une vie chrétienne et au salut hors de l'Eglise et sans le ministère des prêtres que le sacrement de l'ordre a préparés. De même, ne l'oubliez jamais, les enfants ne peuvent pour l'ordinaire grandir dans la vie chrétienne que dans un foyer domestique où les parents, unis et bénits par le sacrement de mariage, remplissent le ministère qui leur est propre.

Chers jeunes époux, daigne notre bon Seigneur et Maître, qui a restauré l'union conjugale, daigne le Christ verser dans vos cœurs l'intelligence et l'amour de la mission que ce sacrement vous a confiée dans l'Eglise, et vous donner l'élan, le courage et la confiance nécessaires pour vous maintenir dans une incessante fidélité à cette incomparable mission.

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