Medjugorje

De Salve Regina

Apparitions
Auteur : Yves Chiron
Source : Enquête sur les apparitions de la Vierge

Difficulté de lecture : ♦ Facile

Les apparitions qui se déroulent à Medjugorje, dans l'ex-Yougoslavie, depuis 1981, sont celles qui, au xxe siècle, ont suscité et suscitent encore le plus grand nombre de livres, d'articles, de reportages, de pèlerinages (plus de 12 millions de personnes se sont déjà rendues sur les lieux) et aussi les controverses les plus nombreuses. Les jugements négatifs portés par l'évêque du diocèse puis par la conférence épiscopale yougoslave en 1991 n'ont fait cesser ni les pèlerinages ni les ouvrages apologétiques ou critiques. Comme pour les précédents cas étudiés, nous présenterons d'abord succinctement les faits et la teneur des messages, puis nous présenterons le jugement actuel de l’Église et les problèmes que posent ces apparitions inachevées.

Medjugorje était un modeste village de la Bosnie-Herzégovine, alors incluse dans la Yougoslavie communiste. Le nom du village (Medjugorje = "entre les montagnes") indique bien sa configuration géographique, une plaine entre des montagnes calcaires. On y cultivait la vigne et le tabac. Il faut parler de ces activités au passé puisque dans les années qui ont suivi les apparitions, même si elles n'ont pas disparu,* elles ont été largement supplantées par des activités de service liées aux millions de pèlerins, de curieux et de touristes qui ont afflué dans cette localité jusque-là inconnue. Le village est situé au pied de deux montagnes, l'une, au sud-est, le mont Krizevac (qui tire son nom, " montagne de la croix ", d'une croix en béton de douze mètres qui fut édifiée sur son sommet en, 1933), l'autre, à l'est, le mont Crnica, qui surplombe le hameau de Podbrdo (on parle communément de " la colline de Podbrdo "). Dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine, la population est majoritairement croate et catholique.

Les apparitions commencèrent le 24 juin 1981, fête de saint Jean-Baptiste. Deux jeunes filles, Ivanka Ivankovic (15 ans) et Miriana Dragicevic (16 ans), se promenaient au pied du mont Crnica, pour y fumer en cachette de leurs parents, lorsque la première vit, sur la montagne, quelque chose de brillant et, en regardant plus attentivement, discerna la Vierge, un peu au-dessus du sol. Elle dit à sa compagne : " Regarde donc la Gospa [la Vierge, en croate] sur la montagne. " L'autre jeune fille n'osa imaginer une telle chose et elle pressa sa compagne de rentrer à la maison. Le soir, Ivanka, Mirjana et une autre fille, Milka Pavlovic (12 ans), en passant au même endroit, virent l'apparition, sur le sommet de la montagne, portant dans ses bras ce qui ressemblait à un enfant. Une quatrième jeune fille, Vicka Ivankovic (16 ans et demi), les rejoignit; elle vit elle aussi mais la vue de l'apparition l'effraya si fort qu'elle se déchaussa pour mieux courir et s'enfuir. Puis, au bout de deux ou trois minutes, elle revint. Un jeune homme, Ivan Dragicevic (16 ans), qui passait, fut appelé par les filles. Il vit lui aussi puis s'enfuit. Même réaction pour un autre jeune homme, Ivan Ivankovic (20 ans) qui vit lui aussi et s'enfuit. Rentrées chez elles, les filles racontèrent leur aventure et ne reçurent que moqueries. Il n'y eut qu'un jeune garçon, Jakov Colo (10 ans), et une jeune fille, Marija Pavlovic (16 ans), la soeur de Milka, pour accorder foi à leurs dires. Le lendemain, les voyants du premier jour (sauf Milka et Ivan Ivankovic qui ne vinrent pas), rejoints bientôt par Jakov et Marija, retournèrent au même endroit à la même heure, 18 h 30. Une femme, accompagnée de son enfant, était également sur les lieux, elle vit la Gospa et dit aux jeunes gens - " Elle vous tend les mains, courez vite sur la montagne. " Effectivement, ils virent la Vierge qui leur faisait signe d'approcher. Ils montèrent sur le mont Crnica.

On notera, dès ce deuxième jour, les fluctuations dans le nombre des voyants : Milka et Ivan Ivankovic, qui ont vu la Vierge le premier jour, ne font plus partie désormais du groupe des voyants (la première, parce que sa mère lui a interdit de continuer à aller dans cet endroit avec les autres, le second, parce qu'il n'y a guère cru), en revanche, trois personnes qui n'avaient pas vu le premier jour, voient le deuxième jour : Jakov et Marija (qui s'agrégeront au groupe et compteront parmi les voyants jusqu'à ce jour), une femme qui voit la Vierge ce jour-là mais dont on a perdu la trace et dont on ne connaît même pas le nom.

Notre propos n'étant pas de raconter l'histoire des apparitions de la Vierge à Medjugorje mais, selon l'esprit de notre enquête, d'essayer d'en dégager les constantes et de voir comment elles s'inscrivent dans une typologie plus générale des apparitions, nous retiendrons quatre éléments : le lieu des apparitions, le nombre des apparitions, la nature et le message des apparitions, le jugement de l’Église et les controverses théologiques.

Le lieu des apparitions tout d'abord. Dans aucune autre série d'apparitions de la Vierge connue dans l'histoire, on n'observe une si grande variation dans le lieu des apparitions. Nous relevons les lieux successifs suivants :

  • le mont Crnica (ou " colline de Podbrdo "),
  • à Cerno, un village des environs de Medjugorje (où une assistante sociale avait emmené les voyants le 29 juin 198 1),
  • dans l'église de Medjugorje, près de la tribune des orgues, à partir du ler juillet 198 1,
  • dans les champs, au-dessus du village et dans chacune des maisons respectives des voyants pendant l'été 1981,
  • sur les lieux où se trouvent les différents voyants pendant l'année scolaire 1981-1982 (ex Ivanka et Marija à Mostar, Mirjana à Sarajevo, Ivan à Visoko),
  • dans la chapelle de l'église de Medjugorje, à partir de février 1982 et jusqu'en avril 1985,
  • au presbytère, distant de l'église de quelques dizaines de mètres, d'avril 1985 à septembre 1987,
  • enfin, à la tribune de l'église depuis septembre 1987 jusqu'à aujourd'hui.

Ces changements de lieux d'apparitions s'expliquent en partie par les circonstances : interdiction momentanée de la colline des apparitions par la police en août 1981 ; arrestation du curé de la paroisse, Jozo Zovco, le 17 août 1981 (il ne sera remis en liberté que le 17 février 1983, la Vierge lui serait apparue dans sa prison pour le réconforter) ; interdiction de l'évêque de Mostar de laisser se poursuivre les apparitions dans la chapelle. Mais il est à noter que la Vierge semble se plier aux déplacements des "voyants ", elle les suit et leur apparaît où ils se trouvent (y compris en avion, à l'étranger, etc.). Il n'y a pas à Medjugorje de lien étroit entre le site et l'apparition que l'on observe dans les apparitions reconnues par l'Église (le 13 août, quand les petits voyants de Fatima sont en prison à Ourem, la Vierge, qui avait promis de leur apparaître le 13 de chaque mois, ne leur apparaît pas. Ce n'est que le 19 août, quand ils seront revenus dans leurs pâturages familiers, qu'elle apparaîtra).

Deuxième élément atypique des apparitions de Medjugorje : leur nombre. Combien y en a-t-il eu à ce jour ? Trois mille, quatre mille ? Les faits défient le calcul. De juin 1981 à aujourd'hui la Vierge est apparue chaque jour aux voyants, sauf pendant cinq jours en 1981 ou 1982 (à une date oubliée de tous!) et sauf pendant cent quarante-huit jours, en 1986, pour Vicka. Et aussi certains voyants ont bénéficié ou bénéficient de deux apparitions par jour certains jours (par exemple les apparitions à Ivan, le vendredi, sur le mont Krizevac). Mais encore certains voyants ont cessé de voir la Vierge régulièrement (Mirjana Dragicevic a cessé de voir la Vierge quotidiennement après le 25 décembre 1982 et ne la voit plus que le jour de son anniversaire et dans " les moments importants " ; Ivanka Ivankovic a cessé de voir la Vierge le 7 mai 1985 mais bénéficie d'une apparition le 25 juin, anniversaire de la première apparition sur la colline). À quoi s'ajoute le fait que les quatre autres voyants qui bénéficient encore d'apparitions régulières ne voient plus la Vierge en groupe et à la même heure : Vicka la voit chez elle, à un moment imprévu de la journée; Ivan et Marija à la tribune de l'église à 18 h 40 chaque jour; quant à Jakov, " il les a quotidiennement à la maison ( ... ) Elles ont lieu le plus souvent à l'heure habituelle (un peu avant 18 heures solaires) mais pas toujours ". Si l'on ajoute que se sont manifestées aussi à Medjugorje, à partir de la fin de 1982, celles que l'on appelle les "voyantes du coeur" : Jelena Vassilj, Marijana et une troisième qui bénéficient de locutions et de visions intérieures, on voit l'extrême difficulté à comptabiliser exactement les mariophanies à Medjugorje. Ces milliers d'apparitions, continues dans la durée mais discontinues chez leurs bénéficiaires, sont un cas unique dans l'histoire des apparitions. Les adversaires de Medjugorje considèrent cette particularité comme un critère négatif : l'irruption du surnaturel ne peut s'accommoder d’une telle répétitivité machinale. Les défenseurs de Medjugorje, au contraire, y voient une adaptation du Ciel à la situation particulière que connaissent l'Église et le monde : " Une parole plus fréquente, plus prolongée, écrit René Laurentin, peut être opportune dans notre Église, où le silence, l'oubli ou l'apostasie tranquille sont une pente plus facile que la contemplation aimante. "

Dernière particularité relative à la durée, qui n'est pas sans poser une grave difficulté. Le 2 mai 1982, la Vierge a affirmé expressément : " Je suis venue appeler le monde à la conversion pour la dernière fois. Ensuite, je n'apparaîtrai plus sur cette terre. " Importante précision confirmée le 25 juin suivant, dans une réponse de la Vierge à Ivan - " Ce sont les dernières apparitions. " Si les apparitions de la Vierge à Medjugorje sont authentiques, il faut donc considérer que lorsqu'elles auront cessé, il n'y en aura plus jamais nulle part dans le monde et donc la fin des temps aura eu lieu ou sera proche. Les apparitions à Medjugorje auraient donc un caractère nettement eschatologique, ce que confirment certains aspects du message qui y est délivré.

Si l'on considère maintenant la nature des apparitions, là aussi certaines particularités ne manquent pas d'être observées et d'être sujettes à controverse. C'est la Vierge qui apparaît, parfois portant son Fils. On a résumé ainsi la description qu'en donnent les voyants : " Elle est vêtue d'une longue robe grise qui lui recouvre les pieds. En fait, il est impossible d'en préciser la couleur. C'est un gris qui donne l'impression de ne pas être gris. La tête est couverte d'un voile blanc qui descend jusqu'au sol. Sur la tête, elle porte une couronne aussi brillante que les étoiles. Elle a les yeux bleus, les cils noirs, la bouche petite et rouge, les joues roses; à travers le voile on distingue des boucles de cheveux noirs. Elle est jeune, paraît avoir vingt ans. On aimerait la regarder sans cesse. Elle parle d’une voix douce d'une intensité normale. Le ton est inexprimable: comme une musique ou un chant. " Le rouge et le rose, qui font penser à un maquillage, surprennent. On ne peut s'empêcher de rapprocher cette description d'un tableau représentant la Vierge qui se trouve dans l'église du village : on y voit la Vierge vêtue d'une robe blanche, d'une ceinture bleue, d'un voile blanc et d'un manteau bleu, se tenant au-dessus de Medjugorje, les bras étendus. Le visage et la position de la Vierge rappellent étonnamment les descriptions données par les voyants. Sur le tableau on voit aussi l'église paroissiale et le mont Krizevac. Ce tableau a été peint par un paroissien, Vlado Falak, en 1974; donc plusieurs années avant le début des apparitions. La coïncidence entre les deux représentations de la Vierge est étonnante. Ce tableau était-il complètement inconnu des voyants avant les apparitions, n'a-t-il eu aucune influence sur leurs visions ou leurs descriptions ?

Autre difficulté relative à la nature de l'apparition la vue de la Vierge a d’abord tellement effrayé les voyants qu'ils se sont enfuis, nous l'avons dit, puis, et ce, à de nombreuses reprises ensuite, la vue de la Vierge les saisissait tellement qu'ils s'évanouissaient. Il a fallu, dira Mirjana, " une grâce spéciale " accordée par la Vierge pour leur permettre " d'assister sans difficultés aux rencontres journalières avec elle ". Une fois encore, le contraste est grand avec Lourdes ou Fatima où, s'il y a eu quelque appréhension puis un immense respect, il n'y a jamais eu de frayeur face à la Vierge.

Si l'on considère les messages délivrés par la Vierge, on se trouve face à une certaine complexité qui, là aussi, défie l'analyse. Il n'existe d'ailleurs aucun recueil complet des messages, il est sans doute même impossible désormais d'en réaliser un. En effet, de juin 1981 à avril 1984, le message des apparitions a été très discontinu, en ce sens que si la Vierge délivrait quelques exhortations, elle entretenait aussi une sorte de conversation avec les voyants et répondait à leurs questions. Ces dialogues n'ont pas tous été intégralement recueillis, d'autant moins que, comme on l'a fait remarquer souvent, " à la différence d'autres apparitions récentes de la Mère de Dieu, dans le cas de Medjugorje, il n'est pas donné aux voyants de garder tous les messages fidèlement dans leur mémoire et de les transmettre intégralement ". Puis, à partir du ler mars 1984, les messages deviennent plus formels, une ritualisation intervient: désormais, même si elle apparaît encore quotidiennement, elle délivre un message hebdomadaire, dûment enregistré. À partir du 25 janvier 1987, ce message n'est plus que mensuel, le 25 de chaque mois. Cette formalisation des messages qui intervient en 1984 n'est-elle pas à mettre en relation avec l'intérêt grandissant manifesté pour Medjugorje par certains théologiens et certaines personnalités du Renouveau Charismatique (notamment le premier voyage de l'abbé René Laurentin, en décembre 1983, qui va devenir le plus important défenseur de ces apparitions) ? Ces personnalités n'ont-elles pas eu quelque influence sur les voyants ? N'ont-elles pas canalisé, en quelque sorte, des révélations qui se dispersaient et qui avaient une forte connotation eschatologique ?

L'étude du contenu des messages connus semble confirmer cette hypothèse. Du moins observe-t-on une grande différence de ton avant et après la ritualisation de 1984. Les défenseurs de Medjugorje, eux, considèrent les apparitions et les messages de 1981 à aujourd'hui comme un tout, dont on peut extraire quelques données essentielles. René Laurentin les résume ainsi : " Le message proprement dit (celui qui s'adresse au monde) est bref. Il tient en sept mots : Dieu, foi, conversion, prière, jeûne, paix et réconciliation. Et toutes ces paroles furent prononcées durant les six premiers jours. "

Mais si le message des apparitions s'en était tenu à ces exhortations classiques de la piété, il n'aurait pas, suscité autant de polémiques. Il y a, presque toujours -, dans des messages qui datent d'avant la " normalisation ". de 1984, des affirmations de la Vierge qui ont` prêté à controverse. L'affirmation selon laquelle " Jésus a été torturé pour sa foi " (27.7.1981), affirmation incompatible avec la doctrine traditionnelle qui enseigne que le Christ n'a jamais douté de sa mission et de sa divinité. L'exhortation aux voyants " priez pas pour vous-mêmes. Vous avez été récompensés. Priez pour les autres " (16.9.1981), qui pourrait laisser croire que non seulement ils ne doivent pas s'adonner à la prière de demande, ce qui est déjà une présomption, mais aussi qu'ils ne doivent pas prier pour leur salut qui est déjà assuré, ce qui est un enseignement irrecevable. Autre affirmation encore : " Les membres de toutes les religions sont égaux devant Dieu. Dieu gouverne chaque religion comme un souverain son royaume. Dans le monde, toutes les religions ne sont pas les mêmes parce que tous les gens n'accomplissent pas les commandements de Dieu. Ils les rejettent et les dénigrent " (1. 10. 198 1) ; message qui semble dire que toutes les religions se valent et que " les hommes peuvent se sauver en pratiquant bien leur religion " (paroles de la Vierge à Vicka et rapportées par celle-ci à Mgr Franic le 18 janvier 1985). Ce qui va à l'encontre de la théologie traditionnelle des religions.

Nous aurions pu citer nombre d'autres messages qui posent des problèmes aux théologiens. On précisera que la Vierge a demandé en avril 1982 que le jour où elle a parlé la première fois à Medjugorie (c'est-à-dire le 25 juin, jour de la deuxième apparition) devienne jour de fête liturgique placé sous le vocable de " Reine de la Paix ". Ajoutons qu'outre les messages publics, les voyants ont reçu ou, pour certains d'entre eux, reçoivent encore des messages secrets. Chacun des voyants de Medjugorje doit recevoir dix secrets et quand l'un a reçu ses dix secrets, la Vierge cesse régulièrement de lui apparaître, et donc, logiquement, quand tous auront reçu leurs dix secrets, ce sera la fin des apparitions à Medjugorje. Il semble qu'il y a eu, pendant les premiers mois, révélation de cinq secrets, différents de ces séries de dix. Puis, vers la fin de l'année 1981, les trois premiers secrets de la série de dix ont été révélés aux six voyants ensemble. Depuis cette date, la révélation des sept secrets restants a été individuelle. À ce jour, seules Mirjana et Ivanka ont reçu le dernier de leurs dix secrets (respectivement le 25 décembre 1982 et le 6 mai 1985) et ne voient donc plus la Vierge quotidiennement. Les autres additionnent encore les secrets sans encore avoir atteint la dizaine. Certains de ces secrets sont relatifs à la vie future des voyants, d'autres sont relatifs à l'avenir de Medjugorje et du monde et aussi au grand " signe " qui doit venir. Ce "grand signe " est destiné à convaincre à l'avenir ceux qui ne croient pas aux apparitions. Il surviendra sur le mont Crnica, à l'endroit où la Vierge est apparue pour la première fois. Il sera durable, visible de tous et sera accompagné d’autres phénomènes et de nombreuses guérisons miraculeuses. Divers signes ont déjà été observés, à plusieurs reprises, par de nombreuses personnes : la croix du mont Krizevac tourna sur elle-même, dans tous les sens, d'autres fois une lumière blanche sembla la recouvrir et laissa apparaître la Vierge, une autre fois - un soir de début août 1981 -, le mot MIR (paix) s'inscrivit en grandes lettres de feu au-dessus de la Croix. Interrogée sur ces signes, qui furent nombreux surtout dans les derniers mois de 1981 et dans les premiers mois de 1982, la Vierge répondit aux voyants : " Ce sont des signes précurseurs destinés à ceux qui ne croient pas. Le grand signe viendra plus tard, bientôt, très bientôt. " Ce " grand signe " attendu n'est pas sans rappeler le " Miracle " attendu à Garabandal. Quant aux dix secrets que chacun des voyants doit recevoir, il apparaît, à bien des égards, comme une hypertrophie du thème du " secret " présent dans les apparitions mariales des XIX et XXe siècles. Ajoutons enfin qu'il existe encore une autre partie du message de Medjugorie qui est restée secrète à ce jour : la Vierge, disent quatre des voyants, leur a raconté - à chacun individuellement - sa vie à partir du 7 janvier 1983. Jakov en a reçu le récit jusqu'à la fin avril de cette année-là, Ivanka jusqu'au 22 mai, Marija jusqu'au 17 juillet et Vicka jusqu'au 10 avril

1985. Pourquoi ces révélations séparées et inégales ? Pourquoi des durées aussi diverses pour un même objet ? Autant de questions qui n'auront un débutde réponse que lorsque le texte de cette " Vie " révélée par la Vierge sera connu. On doit noter qu'à ce jour toutes les vies de la Vierge prétendument révélées par elle-même ont été soit condamnées par l’Église (Marie d'Agreda, Maria Valtorta), soit très discutées -(Anne-Catherine Emmerich). Qui plus est, elles se contredisent entre elles et ne sont pas exemptes de contradictions internes.

Loin d'avoir signalé tous les problèmes que soulèvent ces apparitions à Medjugorie, nous terminerons en rapportant le jugement de l'Eglise, objet de polémiques lui aussi. Il est à noter qu'une semaine après la première apparition, les voyants étaient invités par le curé franciscain de la paroisse à témoigner devant tous les fidèles dans l'Église. S'il ne s'agissait pas là d'une reconnaissance officielle, il s'agissait du moins d'une authentification formelle et peu conforme à la prudence traditionnellement requise en la matière. Une telle précipitation est un fait unique dans l'histoire des apparitions. Plus tard, ce sera la statue de Notre-Dame de Lourdes qui se trouvait dans l'église qui sera enlevée et remplacée par une statue de la Vierge réalisée d'après les descriptions des voyants.

Avant même que l'évêque de Mostar, Mgr Zanic, dont dépend Medjugorje, se soit publiquement prononcé, un autre évêque de la Yougoslavie d'alors prenait position en faveur des apparitions : le 19 décembre 1981, Mgr Franic, archevêque de Split, se rendait incognito à Medjugorje, et assistait à la prière du soir quotidienne dans l'église et à l'apparition. Il fut favorablement impressionné. En janvier suivant, dans le bulletin officiel de son diocèse, il écrivait : "Mes impressions sur la dévotion et la pratique à l'église furent très positives. " Tout en reconnaissant que le jugement sur l'authenticité des apparitions revient à l'Église, il publiait le jugement d'un théologien, le P. Robert Faricy, professeur à la Grégorienne : " Mon jugement d'ensemble en ce qui concerne le caractère authentique est très positif; je porte ce jugement après une très brève expérience et sans en référer à quiconque. " Bientôt d'autres théologiens de renom, notamment l'abbé René Laurentin viendront apporter leur notoriété à la cause de Medjugorje, relayés par d'innombrables journalistes catholiques dans le monde.

Tous ces signes publics d'authentification expliquent dans quel contexte de pression les évêques successifs de Mostar ont dû agir. Le 11 janvier 1982, Mgr Zanic créait une commission officielle d'enquête de quatre membres, élargie, au début de l'année 1984, à une vingtaine de personnes (parmi lesquelles des théologiens et des médecins). Le 30 octobre 1984, il publiait un long rapport où était définie la "Position actuelle, non officielle " de l'évêché au sujet des apparitions. Il y exprimait ses " soupçons " et ses " doutes " sur le caractère surnaturel des faits. Il arguait notamment de prophéties non réalisées, de promesses de guérison non tenues, de mensonges d'une des voyantes et d'un différend entre lui et des franciscains sanctionnés où la Vierge avait encouragé ceux-ci à la désobéissance. Il concluait à l'" hallucination collective " orchestrée par un religieux de la paroisse, liée au Renouveau charismatique, le Père Vlasic.

Cette " Position " suscita l'hostilité de Mgr Franic, de l'abbé Laurentin et des autres défenseurs de Medjugorje. Alors que Mgr Zanic aurait voulu publier un jugement canonique officiel, le 9 janvier 1987, le cardinal Kuharic, président de la Conférence épiscopale yougoslave, publiait un communiqué où il annonçait la création d'une nouvelle Commission d'enquête, placée cette fois sous l'autorité de la Conférence épiscopale et non plus du seul évêque de Mostar. Mgr Zanic, comme il en avait le droit, rendit public, en mars 1990, un rapport, définitif, entièrement négatif. La Conférence épiscopale yougoslave publia enfin, en avril 1991, une " Déclaration " qui affirmait : " Sur la base des études qui ont été faites jusqu'à maintenant, il n'est pas confirmé que des apparitions et révélations surnaturelles ont eu lieu ici. " Elle demandait aussi qu'à Medjugorje " soit promue une solide dévotion envers la Sainte Vierge Marie en accord avec la doctrine de l'Église ". Les défenseurs de Medjugorje ont voulu voir dans cette dernière recommandation une reconnaissance du culte de la Vierge de Medjugorje, comme il advint pour Beauraing, par exemple, où le culte de la Vierge fut autorisé avant la reconnaissance du caractère surnaturel des apparitions. C'est outrepasser le sens de cette recommandation. Ces mêmes défenseurs font courir le bruit selon lequel le dossier de Medjugorje serait à l'étude " à Rome " et qu'il faudrait désormais attendre une déclaration romaine. Mgr Peric, actuel évêque de Mostar, que nous avons interrogé, exprime une position plus tranchée : aucune autre commission, ni à Mostar, ni à Rome, ni ailleurs, n'est à l'oeuvre, aucune autre décision n'est donc à attendre; il n'y a pas de reconnaissance particulière du culte de la Vierge de Medjugorje mais une recommandation à une saine piété mariale; l'avis rendu en 1991 oblige les catholiques et conclut à un " non-constat de surnaturalité " des faits.

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