Concile de Florence 1445

De Salve Regina

Histoire de l'Eglise
Auteur : Chanoine Adolphe-Charles Peltier
Source : Dictionnaire universel et complet des conciles
Date de publication originale : 1847

Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen
Remarque particulière : Publié dans l'Encyclopédie théologique de l'abbé Jacques-Paul Migne, tomes 13 et 14.

Concile de Florence - 1439 - 1445 - dix-septième concile œcuménique

Ce concile, à proprement parler, ne fut que la continuation de celui de Ferrare. On fera donc bien de consulter, pour le commencement, l'article FERRARE.

La première session se tint le 26 février. Le patriarche de Constantinople n'ayant pu s'y trouver, parce qu'il était malade, le cardinal Julien et l'empereur des Grecs furent les seuls qui y parlèrent, et qui convinrent qu'il fallait chercher quelque expédient pour se réunir.

IIe et IIIe Sessions, 2 et 5 mars. On y agite la matière touchant la procession du Saint-Esprit. Jean de Montenegro, provincial des dominicains, et théologien des Latins, prouva par l'Écriture, par la tradition et par de solides raisonnements, que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils : il expliqua ce qu'on devait entendre par le terme de procession, et dit que procéder était recevoir son existence d'un autre. Marc d'Éphèse étant convenu de cette proposition, Jean, argumentant de là, dit : Celui de qui le Saint Esprit reçoit l'être dans les personnes divines, en reçoit aussi la procession. Or, l'Esprit-Saint reçoit l'être du Fils ; donc il en reçoit aussi la procession, suivant la propre signification de ce terme. Mais Marc ayant nié que le Saint-Esprit reçût l'être du Fils, Jean le prouva par plusieurs arguments, et, en particulier, par quelques textes de saint Épiphane ; aux passages de saint Basile que son adversaire lui opposait, il oppose à son tour les mêmes passages, tels qu'ils se lisaient dans plusieurs exemplaires ; et il réfuta si pleinement toutes les objections de Marc, qu'il le réduisit au silence.

IVe Session, 7 mars. Le même théologien montra dans plusieurs exemplaires de saint Basile, qu'on avait apportés exprès de Constantinople, que ce saint docteur dit en termes formels, dans le livre troisième contre Eunomius, que le Saint-Esprit ne procède pas seulement du Père, mais aussi du Fils.

Ve VIe et VIIeSessions, 10, 14 et 17 mars. On agita ce qui regardait l'autorité et les témoignages de saint Basile.

VIIIe et IXe Sessions, 21 et 24 mars. Jean y parla longtemps avec beaucoup d'érudition et de netteté. Il fit voir que, de tous les Pères grecs qui ont parlé de la procession du Saint-Esprit, plusieurs ont dit en termes formels ou équivalents, qu'il procède du Père et du Fils ; et que tous ceux qui ont dit qu'il procède du Père, n'ont jamais exclu le Fils. Comme Marc d'Éphèse et plusieurs autres Grecs avec lui inféraient de la croyance des Latins que ceux-ci admettaient deux principes, au lieu d'un seul, le provincial démontra par nombre d'autorités, empruntées des Latins eux-mêmes, que telle n'était pas leur croyance, mais qu'ils avaient, au contraire, toujours enseigne que le Père et le Fils sont un seul et même principe du Saint-Esprit. En outre, il expliqua comment on peut entendre ces deux prépositions per et ex, dont on se sert pour marquer la procession du Saint-Esprit ; et il donna par écrit le précis de son discours.

Les Grecs furent partagés : les uns étaient pour l'union ; de ce nombre étaient l'empereur et Bessarion de Nicée : les autres y étaient opposés ; Marc d'Éphèse était de ces derniers. On entama des négociations : on examina l'écrit de Jean. Marc le taxait d'hérésie ; Bessarion, au contraire, dit hautement qu'il fallait rendre gloire à Dieu, et avouer de bonne foi que la doctrine des Latins était la même que celle des anciens Pères de l'Église grecque, et qu'on devait expliquer ceux qui avaient parlé plus obscurément, par les autres qui s'étaient expliqués avec clarté. Il justifia ensuite, dans un long discours que nous avons dans les actes du concile, le sentiment des Latins sur la procession du Saint-Esprit, réfuta les objections des Grecs, et finit en exhortant ses confrères à l'union : son sentiment fut appuyé par celui de George Scholarius, un des théologiens grecs.

L'empereur étant convenu avec le pape que l'on nommerait de part et d'autre des personnes pour donner leur avis sur les moyens de parvenir à l'union, on proposa divers avis, dont aucun ne fut accepté par les deux partis. Après plusieurs négociations, on dressa, sur la procession du Saint-Esprit, une profession de foi, dans laquelle il est dit : " Nous, Latins et Grecs, confessons, etc., que le Saint-Esprit est éternellement du Père et du Fils ; et que de toute éternité il procède de l'un et de l'autre, comme d'un seul principe (On trouve ici condamnée d'avance l'erreur de M. F Lamennais (Esquisse d'une phil.), reproduite par M. l'abbé Maret dans sa Théodicée, qui consiste à admettre en Dieu trois principes, au lieu d'un seul qu'a toujours reconnu l'Église catholique. Cette inexactitude de doctrine ou de langage, pour ne rien dire de pire, a été victorieusement combattue dans les Annales de Philosophie chrétienne, année 1846, après avoir été signalée pour la première fois dans l'opuscule intitulé : M. Lamennais réfuté par lui-même, par M. l'abbé Ad. Ch. Peltier), et par une seule production qu'on appelle spiration. Nous déclarons aussi que ce que disent les saints docteurs et les Pères, que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils, doit être pris en ce sens que le Fils est, comme le Père et conjointement avec lui, le principe du Saint-Esprit. Et parce que tout ce qu'a le Père, il le communique à son Fils, excepté la paternité, qui le distingue du Fils et du Saint-Esprit, aussi est-ce de son Père que le Fils a reçu de toute éternité cette vertu productive par laquelle le Saint-Esprit procède du Fils comme du Père. "

Cette définition fut lue, approuvée et signée, le 8 juin, des uns et des autres, à l'exception de Marc d'Éphèse qui persévéra dans son obstination. Ensuite ils se donnèrent tous le baiser de paix, en signe de leur réunion. Cette affaire étant terminée, on traita la question du pain azyme, et les Grecs convinrent qu'on pouvait consacrer avec cette sorte de pain, comme avec le pain levé. Il en fut de même sur la croyance par rapport au purgatoire : on convint que les âmes des véritables pénitents, morts dans la charité de Dieu, avant d'avoir fait de dignes fruits de pénitence, sont purifiées après leur mort par les peines du purgatoire, et qu'elles sont soulagées de ces peines par les suffrages des fidèles vivants, comme sont le sacrifice de la messe, les aumônes et les autres œuvres de piété.

On contesta longtemps sur la primauté du pape ; enfin les évêques grecs dressèrent un projet que le pape et les cardinaux agréèrent ; il est conçu ainsi : " Touchant la primauté du pape, nous avouons qu'il est le souverain pontife et le vicaire de Jésus-Christ, le pasteur et le docteur de tous les chrétiens, qui gouverne l'Église de Dieu, sauf les privilèges et les droits des patriarches d'Orient. "

Après plusieurs conférences, le décret d'union fut dressé le 6 juillet, et on le mit au net, en grec et en latin. Le pape le signa, et, après lui, les cardinaux au nombre de dix-huit ; deux patriarches latins, celui de Jérusalem et celui de Grade ; deux évêques ambassadeurs du duc de Bourgogne ; huit archevêques, quarante-sept évêques, à la vérité presque tous italiens ; quatre généraux d'ordre ; quarante et un abbés. Du côté des Grecs, l'empereur Jean Paléologue signa le premier, et, après lui, les vicaires des patriarches d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem. Celui de Constantinople était mort peu auparavant. Plusieurs métropolitains signèrent en leurs noms et au nom d'un autre absent.

Ce décret porte en substance : 1° que le Saint Esprit reçoit de toute éternité son être du Père et du Fils en même temps, et qu'il procède de l'un et de l'autre comme d'un seul principe ; 2° que l'addition faite au symbole de ce mot, Filioque, est légitime, comme étant devenue une explication nécessaire du dogme ; 3° que la consécration de l'Eucharistie peut également se faire sur le pain fermenté et sur le pain azyme, et que chaque Église doit suivre là-dessus son usage particulier ; 4° que les âmes de ceux qui meurent avant d'avoir satisfait par de dignes fruits de pénitence, quoiqu'en état de grâce, sont soumises aux peines du purgatoire, et peuvent être soulagées par le saint sacrifice, par les prières et les autres bonnes œuvres des vivants ; que celles qui n'ont rien à expier, sont aussitôt admises dans le ciel au bonheur de voir Dieu ; et que celles qui sortent de ce monde avec un péché mortel, ou même avec le seul péché originel, descendent en enfer, pour y souffrir des peines diverses ; 5° que le saint-siège apostolique et le pontife romain a la primauté sur tout l'univers, qu'il est le successeur de saint Pierre, prince des apôtres, et le vrai vicaire de Jésus-Christ, qu'il est le chef de l'Église entière, le père et le docteur de tous les chrétiens, et que Notre-Seigneur lui a remis dans la personne de saint Pierre le plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner l'Église universelle, comme le prouvent les actes des conciles œcuméniques et les sacrés canons. Enfin le concile assigne au patriarche de Constantinople le second rang après le pontife romain ; le troisième au patriarche d'Alexandrie ; le quatrième à celui d'Antioche, et le cinquième à celui de Jérusalem, en conservant à chacun ses droits et ses privilèges. Ce décret fut publié au nom du pape, et daté de la neuvième année de son pontificat. Les Grecs, au nombre de trente, partirent de Florence le 26 août, et ils arrivèrent à Constantinople le 1er février 1440.

Cependant, après leur départ, le pape continua son concile. Ce fut dans cette première session, qui se tint le 4 septembre, que les Pères de Bâle, qui avaient déposé le pape Eugène, furent traités par ce pape d'hérétiques et de schismatiques. Dans la deuxième, le 22 novembre, il fit un décret très étendu pour réunir les Arméniens à l'Église romaine. Outre la foi de la Trinité et de l'Incarnation, expliquées par les conciles généraux qui y sont indiqués, il contient encore la forme et la matière de chaque sacrement, exposées un peu autrement que les Grecs et plusieurs théologiens ne les expliquaient. Dans la troisième, le 23 mars 1441, il déclare Amédée antipape, hérétique, schismatique, et tous ses fauteurs criminels de lèse-majesté, promettant toutefois le pardon à ceux qui se reconnaîtraient avant cinquante jours. Dans la quatrième, le 5 février 1442, on fit un décret de réunion avec les jacobites ; il fut signé par le pape et huit cardinaux. L'abbé André, député du patriarche Jean, reçut et accepta ce décret au nom de tous les jacobites éthiopiens, et promit de le faire exactement observer. Dans la cinquième et dernière, le 26 avril 1442, le pape proposa la translation du concile à Rome ; mais on n'y tint que deux séances. On y fit des décrets touchant la réunion des Syriens, des Chaldéens et des Maronites à l'Église romaine.

" On dispute, dit le savant P. Berthier, si cette assemblée représentait véritablement l'Église universelle, quand les Grecs furent partis, et en particulier quand on publia le décret célèbre pour l'union des Arméniens. C'est en France plus qu'ailleurs qu'on a traité cette question, qui entre dans la controverse des sacrements. Or, il semble que le départ des Grecs n'empêchait pas l'œcuménicité du concile, au temps de la réunion des Arméniens, puisque, durant son séjour à Florence, l'empereur Jean Paléologue avec son conseil y avait donné un plein consentement ; puisqu'il y avait encore alors en cette ville deux des plus célèbres prélats de l'Église grecque, savoir, Isidore de Russie et Bessarion de Nicée, qui pouvaient bien être censés représenter les suffrages des autres évêques d'Orient ; puisqu'au concile de Trente le cardinal du Mont, qui en était un des présidents, assura que le concile de Florence avait duré près de trois ans encore après le départ des Grecs. Et ce cardinal apportant cette raison, afin d'autoriser les définitions contenues dans les décrets donnés pour les jacobites et les Arméniens, montrait suffisamment par là qu'il regardait le concile de Florence, dans sa continuation depuis le départ des Grecs, comme un concile œcuménique. Enfin le pape Eugène et tous les Pères qui étaient à Florence se donnèrent aux Arméniens comme formant encore l'assemblée de l'Église universelle ; le décret même en fait foi : apparemment qu'ils ne prétendirent pas tromper les députés de cette nation, et apparemment aussi que leur autorité peut bien l'emporter sur celle de quelques théologiens français fort modernes, qui ont voulu douter de ce point...

" Mais il y a un autre point beaucoup plus considérable, sur lequel on a aussi disputé en France, et qui regarde le fond même, l'état et l'essence du concile de Ferrare et de Florence, pris dans son tout, c'est-à-dire, durant l'assemblée des Latins et des Grecs. Quelques-uns ont cru que ce concile n'avait jamais été véritablement et proprement œcuménique. Tel fut autrefois le sentiment du cardinal de Lorraine, qui s'en expliqua d'une manière assez vive, au temps même du concile de Trente. " Mais, reprend sur cela le P. Alexandre, l'opinion de ce grand prélat n'oblige pas les théologiens français de retrancher le concile de Florence de la liste des conciles généraux ; car jamais l'Église gallicane ne s'est récriée contre ce concile, jamais elle n'a mis d'opposition à l'union des Grecs ni à la définition de foi publiée à Florence, au contraire, elle a toujours fait profession de la respecter. A la vérité les évêques de la domination du roi n'eurent pas permission d'aller à Ferrare et à Florence, mais ils y furent présents d'esprit et de volonté ; ils entrèrent dans les intérêts de cette union tant désirée entre les deux Églises... sans compter que plusieurs prélats de l'Église gallicane, mais établis dans les provinces qui n'étaient pas encore réunies à la Couronne, assistèrent en personne à ce concile. " Le même auteur prouve ensuite très au long que l'assemblée de Florence fut générale par la convocation, la célébration, la représentation de l'Église universelle, en un mot, dit-i1, par l'autorité : et il répond ensuite à toutes les objections.

" Ce sentiment du docteur dominicain est aussi celui de M. de Marca, de M. Bossuet, de la faculté de théologie de Paris, et de tout le clergé de France. " Hist. de l'Église gallic., l. XLVIII.

Si l'on fait dépendre l'œcuménicité du concile de Florence de la présence de quelques prélats grecs, nous ne voyons pas pourquoi on admettrait comme œcuménique le concile de Trente, où l'Église d'Orient n'a pas du tout été représentée. Que l'on consente enfin à reconnaître que l'œcuménicité des conciles dépend surtout de la déclaration du saint-siège, et l'on pourra dire quelque chose de mieux que de dire il semble, sur un fait qui paraîtra alors si simple et si à l'abri de toute contestation.

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