Note sur les origines du Bouddhisme

De Salve Regina

Histoire des religions
Auteur : Etienne Couvert
Source : Bulletin de la Société Augustin Barruel n° 24
Date de publication originale : 1993

Difficulté de lecture : ♦♦♦ Difficile
Remarque particulière : Cet article fait suite à Gnose et Bouddhisme : aux sources du Bouddhisme

Note sur les origines du Bouddhisme

Dans notre étude sur la Gnose et le Boud­dhisme (Bull. N 21 p. 56 et s.), nous avons montré que le Bouddhisme n’était pas autre chose que la Gnose manichéenne répandue en Asie, que le vrai Bouddha n’était autre que Mani lui-même et que la doctrine bouddhiste n’est qu’un dévelop­pement de l’enseignement de Mani auquel se sont mêlées au cours des siècles de multiples légendes populaires qui n’ont pu cependant défigurer l’es­sentiel de la doctrine.

Pour cela nous avons montré que les plus an­ciennes peintures murales des plus anciens mo­nastères bouddhistes en ruine de l’Asie Centrale sont des peintures manichéennes, que les plus an­ciens manuscrits découverts dans ces mêmes mo­nastères sont des traités manichéens, recopiés par les moines bouddhistes au cours des VII et VIII siècles de notre ère. Ces découvertes ont été connues en Occident dans les années 1920-1930, mais sont restées ignorées, parce que systémati­quement "occultées" par les historiens de l’Asie. En effet, elles les invitaient à rejeter toutes les constructions chronologiques arbitraires du XIX siècle et à reconnaître la mauvaise foi de ces histo­riens qui n’avaient pas hésité à fabriquer de l’his­toire avec des légendes et à jongler sans pudeur avec les siècles.

Nous avons montré également que la doctri­ne bouddhiste est toute tirée de l’enseignement de Mani et que les rites des moines bouddhistes sont la reproduction exacte des rituels mani­chéens découverts dans ces mêmes monastères. Or nous n’avons pas inventé ces démonstrations : elles ont été soutenues autrefois par des observa­teurs perspicaces et non inféodés aux modes in­tellectuelles de leur temps. Nous avons cité le P. Giorgi, qui au XVIII siècle, a montré que le Boud­dhisme n’était qu’une déformation du christianis­me due à l’action perverse des Manichéens. Il était alors informé par des missionnaires installés au Tibet.

L’un d’eux, un Portugais, le P. Antoine d’Andrade, installé à Tsaparang, en 1624, avait noté la formule magique par laquelle les Tibétains priaient leur Bouddha : "Om manipadmé hum", que les moines traduisaient par : "Mon Dieu, sau­ve nous". Mais ce Dieu Sauveur, ils l’appellent tou­jours même aujourd’hui encore Mani. Cette for­mule est inscrite sur leurs grandes banderoles qui flottent au vent, sur leurs cloches et sur leurs moulins à prières.

Remontons quelques siècles plus haut. En 1246, Saint Louis envoie auprès du grand Khan de Tartarie un religieux dominicain, le Fr. Guil­laume de Rubruck. Celui-ci entreprend plusieurs grandes controverses avec un moine chinois, qu’il appelle un tuyan, c’est-à-dire un taoïste (le Tao étant la Gnose des Chinois). Il traite de la multiplicité des dieux, de la nature et de la cause du mal, etc. Il oppose au chinois la vraie doctri­ne chrétienne et lui montre qu’il connaît très bien la doctrine de ceux qu’il appelle des idolâtres, adorateurs de leurs bodes. Or, il précise dans sa "Relation" : "Tous, en effet, sont de cette hérésie des Manichéens, selon laquelle la moitié des cho­ses est mauvaise et l’autre bonne et qu’il y a au moins deux principes ; quant aux âmes, ils pensent tous qu’elle passent de corps en corps". Le traduc­teur, A. T’serstevens, ajoute en note : "Bien enten­du, le chinois n’est nullement manichéen, mais bouddhiste et ses premières propositions se ratta­chent à cette religion. Rubruck que nous avons vu visiter des temples bouddhistes, ne semble avoir aucune idée du Bouddhisme. Il nous faudra atten­dre Marco-Polo pour en avoir les premières no­tions". Le "Bien entendu" est admirable. T’serste­vens se croit plus habile théologien et philosophe que le religieux dominicain et manifeste à son égard un mépris qui montre sa méconnaissance de la vraie nature gnostique du Bouddhisme.

A ce sujet nous pensons utile de rappeler cette définition du Bouddhisme, due à un érudit du siècle dernier, Philarètes Chasles : "Ces dogmes bouddhistes se rapprochent d’une manière étrange des symboles et des dogmes chré­tiens. On y trouve, sous d’autres formes, le fruit du mal et du bien qui n’est plus une pomme, mais une figue, Eve succombant à la tentation, le serpent tentateur, la vierge donnant le sein au Rédempteur - tout ce que la croyance chrétienne contient ou de fondamental, ou de symbolique et de mystérieux… L’idée de l’incarnation divine dans un être humain en constitue le fond même et l’essence. Le boud­dhisme va plus loin, il la multiplie comme autrefois les gnostiques et établit la possibilité pour l’hom­me de devenir dieu et de se réunir à la substance éternelle. L’orthodoxie chrétienne accepterait la plupart des préceptes inculqués par la morale bouddhiste (?). On croit, en parcourant leurs trai­tés ascétiques, lire Gerson ou le mystique Tauler…" Voilà une bonne définition du Bouddhisme : un Christianisme défiguré par la Gnose.

A ces démonstrations qui nous paraissent définitives, on n’a pu nous opposer que des chro­nologies établies par des historiens de l’Asie. Il nous faut absolument rejeter ces chronologies. Il est impossible de faire fond sur les déclarations des bouddhistes eux-mêmes. La valeur des tradi­tions indiennes est quasiment nulle en ce domai­ne. James Ferguson écrit à ce propos : "Quicon­que a voyagé dans l’Inde sait quels renseignements il peut avoir, même de la part des brahmanes les meilleurs et les plus intelligents, sur la date des temples dans lesquels eux et leurs ancêtres ont tou­jours servi depuis leur érection. Mille ou deux mille ans est un âge modéré pour des temples que nous savons parfaitement n’avoir pas plus de deux ou trois siècles d’existence."

Appliquons ce principe aux manuscrits bouddhistes. Les plus anciens actuellement con­nus ne datent que du Moyen-Age, précisons mê­me du bas Moyen-Age, XIII ou XIV siècle. Si l’on remonte plus haut on ne trouve plus que les manu­scrits manichéens dont nous avons parlé. Le plus ancien poème sanscrit sur la vie du Bouddha inti­tulé le "Bouddha Charita" est attesté pour la première fois en Inde en 673 ap. J.C. Le "Lalita Vistara" est connu par une version chinoise du VI siècle de notre ère et non avant.

Dans une lettre à W. S. Lilly, le cardinal Newman avait jadis protesté énergiquement contre les fantaisies des historiens indianistes : "Pour prouver l’authenticité et la date de nos Evan­giles, nous avons une masse de manuscrits de date et de familles différentes, une multitude de témoi­gnages et de citations soit des Pères, soit des autres auteurs ; puis, pour satisfaire aux exigences de no­tre critique ; il doit y avoir coïncidence parfaite en­tre les textes de divers manuscrits. Si un passage ne se trouve pas dans tous les manuscrits découverts, il est condamné…Pourquoi ne pas demander de telles garanties avant d’admettre pour vraie l’his­toire du Bouddha ?"

On peut s’étonner, en effet, de l’extrême faci­lité avec laquelle les indianisants ont accepté tou­tes les légendes bouddhiques, sans le moindre es­prit critique, à une époque où l’exégèse modernis­te ergotait avec acrimonie contre les prétendues contradictions des manuscrits du Nouveau Testa­ment. Les légendes du Bouddha, comme celles des récits musulmans sur la vie de Mahomet, ont bénéficié d’une indulgence inadmissible et cou­pable de la part d’écrivains, par ailleurs très sévè­res à l’égard des sources manuscrites du christia­nisme. Il y a là deux poids et deux mesures qui lais­sent sceptiques sur la bonne foi de ces auteurs…


Voyons les choses de plus près.

1) Le "Dialogue de Milanda" nous est connu par une version chinoise du VI siècle de notre ère. Il raconte la conversion d’un roi Indien, Milanda, par un moine bouddhiste. Sautant à pieds joints sur plusieurs siècles des historiens ont prétendu identifier Milanda avec le roi grec Ménandre, qui vécut au I siècle av. J.C., identification contestée par plusieurs. Mais nous possédons une vie de Ménandre, écrite par Plutarque au deuxième siècle de notre ère où il n’est nullement question de Bouddha ni de Bouddhisme.

2) Il existe une monnaie de Kanischka repré­sentant Boddo, debout, la main droite levée dans le geste d’un maître enseignant ses disciples et portant au bras gauche le manipule des prêtres chrétiens. On a prétendu que le roi Kanischka avait vécu au premier siècle de notre ère, sans pré­ciser qu’il y eut plusieurs rois de ce nom qui ont régné pendant les premiers siècles chrétiens.

3) La légende d’Açoka (le "roi pieux", c’est-à-dire celui qui donnait généreusement pour la construction des monastères) est contenue dans le "Mahavansa" dont la rédaction ne remonte pas au delà du V siècle de notre ère. James Prinzep, un érudit anglais, a déchiffré plusieurs inscriptions sur des rochers, dans lesquelles Açoka, "l’ami des dieux et des lois", énumère les peuples qu’il a convertis au Bouddhisme. Parmi ceux-ci, il cite des rois de Yavanas (c’est-à-dire des Grecs) appelés Ptolémée, Antigone, etc. Au­ssitôt on a voulu identifier ces rois avec les des­cendants des généraux d’Alexandre et, valsant avec les siècles, on a prétendu qu’Açoka avait régné au III siècle av. J.C. On l’a même appelé "l’empereur des Indes" par un anachronisme tout à fait injustifié, la ville de Taxila, dont il aurait été le roi, étant une toute petite cité du Gandhara.

Or, il est certain que le Bouddhisme n’a jamais pénétré, ni en Babylonie, ni en Syrie, ni en Egypte, où nous n’avons jamais trouvé la moindre trace permettant de supposer même un passage momentané de cette religion. La stèle d’Açoka précise même le nom d’une ville, Alexandrie, que l’on a voulu identifier avec la capitale de l’Egypte. Tout ceci est pure imposture. Nous savons au­jourd’hui que des petits royaumes grecs se sont perpétués dans les montagnes d’Asie Centrale, en Bactriane et en Sogdiane, jusqu’à la conquête mu­sulmane, c’est-à-dire au VII siècle de notre ère. Leurs rois portaient des noms grecs. Il existait au­ssi à cette époque plusieurs petites villes grecques portant le nom d’Alexandrie, en particulier dans le Caucase. Comme la stèle d’Açoka énumère, à côté des rois grecs, des rois des Huns, nous voyons bien qu’elle désigne par là les chefs de ces petits états d’Asie Centrale.

Mais si l’on veut bien réexaminer attentive­ment l’histoire du Bouddhisme à la lumière de ces datations rectifiées, on s’aperçoit qu’elle corres­pond bien à l’expansion du Manichéisme en Asie. Mani a enseigné en Inde et en Asie au III siècle de notre ère. Les monastères manichéens-boud­dhistes se sont répandus dans ces régions au cours des V et VI siècles. C’est à cette époque qu’apparaissent les légendes de Milanda, d’Aço­ka, du Bouddha lui-même. Elles sont traduites en Chinois vers le VI siècle, suivant la route de la soie. Aux VIII et X siècles, on retrouve les manu­scrits manichéens dans les ruines de ces monastè­res, recopiés par les moines bouddhistes de cette époque. Tout cela se tient. Il y a là une succession naturelle et logique des faits qui prennent place dans un cadre historique connu par ailleurs.

Enfin, il convient de préciser que cette his­toire falsifiée du Bouddhisme, qui a fini par s’im­poser de partout, n’est pas le résultat d’un jeu in­nocent. Tout cela a été habilement manipulé dans l’intention à peine camouflée de démolir la foi dans les âmes chrétiennes. Voyons le cas, au siè­cle dernier, du plus grand indianiste, Eugène Burnouf. Dans son "Introduction à l’Histoire du Bouddhisme", parue en 1844, il insinuait : "Il y a peu de croyances qui reposent sur un aussi petit nombre de dogmes et même imposent au sens com­mun moins de sacrifices. Je parle ici en particulier du Bouddhisme qui me paraît être le plus ancien, le bouddhisme humain, si j’ose ainsi l’appeler, qui est presque tout entier dans des règles très simples de morale… "Autant dire que le bouddhisme est la re­ligion primitive de l’humanité qui se trouve à la source de toutes les religions. Burnouf insinuait également que le Bouddhisme aurait pu agir sur le Christianisme par l’intermédiaire des Esséniens qui auraient transmis à Jésus-Christ la tradition monastique. Tout cela, bien sûr, sans la moindre preuve… Il y avait là une cascade de contre-véri­tés suggérées, laissées à la libre interprétation de ses disciples. Ses auditeurs enthousiastes lui demandaient de montrer "que la Perse zoroastrienne et l’Inde bouddhique avaient sur bien des points devancé et inspiré l’Evangile. " "Concluez-donc !" lui disaient-ils et ils le pressaient de four­nir aux penseurs "le point de départ pour l’élan du monde nouveau". Mais, plus habile et plus pru­dent, Burnouf se contentait de sourire…

Devant cet enseignement si troublant, les catholiques restaient d’une timidité maladive. Un certain abbé Deschamps osa manifester comme une "respectueuse réserve" à l’égard de Prinzep et de Burnouf. Il se contenta de faire remarquer pour la première fois certaines analogies entre la légende de Cakiamouni et les apocryphes chré­tiens, en particulier dans le "Lalista vistara".

Sur les ravages religieux que cette présenta­tion du Bouddhisme a pu provoquer dans des âmes sincères, nous avons le témoignage d’un cri­tique littéraire, Ferdinand Brunetière, qui, au début de ce siècle, a avoué, dans ses "Difficultés de croire" qu’il avait été retenu pendant quinze ans sur le chemin de l’adhésion à la foi chrétien­ne. Il a été, parmi beaucoup d’autres, la victime d’une monumentale imposture.

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